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2 mars 2012 5 02 /03 /mars /2012 21:12

On n’a pas suffisamment pris la juste mesure des conséquences, dans l’aire arabe,  du14 janvier 2011, le jour où tout a basculé en Tunisie et bien au-delà. Les pays concernés ont  inauguré l’ère de la citoyenneté et de la gestion politique populaire. Ce qui implique, cela va de soi, la mise à l’ordre du jour, du débat, de la confrontation et de la lutte, entre les acteurs, soucieux de prendre la relève, sinon d’instituer l’alternance politique. Le combat n’exclua pas bien sûr, les manœuvres tactiques, les alliances contre nature, la défense des intérêts de classe et même, bien souvent, le retour du refoulé : le régionalisme, le tribalisme et parfois l’exclusion arbitraire de l’autre. Prenons garde, la scène politique se mue parfois en théâtre d’ombres, où s’illustrent les marchands de rêve. L’analyste averti doit étudier sur quel thème se joua la campagne électorale en Tunisie et en Egypte ?  La révolution a été le produit du malaise social, du chômage et de l’inégal développement régional. Dérive du vote protestataire, on posa prioritairement la question de l’identité, le choix du projet de société, l’enracinement historique et les prospectives de mutations globales. Ce contexte  différa volontiers  le traitement des questions d’urgence et établit un climat d’insécurité, vu l’impatience de ceux qui sont descendu dans la rue pour exiger la satisfaction de leurs revendications.

Face à des dérives toujours possibles, la responsabilisation du citoyen lui permet de mettre à nu les mystifications conjoncturelles, pour faire valoir la cohérence du discours et le bien fondé de l’argumentation. L’exercice de la vie politique exige le maintien d’un état de veille de l’opinion publique. Les débats postrévolutionnaires en Tunisie, en Egypte, en Libye et au Yémen attestent que cette reprise en main de la responsabilité politique est consciemment amorcée et même plus ou moins assumée. D’autre part, nous devons tenir compte de   la mutation sociopolitique globale.  Le passage du pouvoir hiérarchique au pouvoir latéral, décentralisé et démythifié, rend le traitement des enjeux plus complexe. Nous sommes désormais en présence d’une multiplicité d’acteurs, qu’il faut écouter, persuader ou satisfaire dans les sociétés postrévolutionnaires. 

L’idealtype révolutionnaire fait valoir le «vivre ensemble», dans le cadre des relations régionales, panarabes, euro-méditerranéennes et internationales. Ce contexte est propice à la transgression des conflits, souvent confortés par les états d’âme entre les dirigeants.  Le respect de cette ligne d’horizon du partenariat doit, cependant, éviter les empressements pseudo-unitaires et la privilégisation des alliances. La carte géopolitique récente dessine une démarcation entre la mouvance modérée, plus ou moins proche des USA et, dans une moindre mesure, de l’Occident et une alliance radicale rapprochant de l’Iran, la Syrie et les partis Hamas et Hizb Allah. Or, les faits d’actualité annoncent la remise en question ou du moins la relativisation de cette dichotomie géopolitique, par la crise de la Syrie, la nouvelle conjoncture égyptienne, le rôle de l’Otan en Libye et l’annonce, par  compromis, d’une résolution onusienne arabo-occidentale. 

Maxime sage de La Palice, «il faut laisser du temps au temps».  La carte géopolitique arabe connait des mutations importantes.  Le réseau des alliances subit des repositionnements structurels, sinon conjoncturels : risque de guerre contre l’Iran, nouvelle Egypte, changement annoncé du statut de la Syrie, entrée sur scène de la Turquie, jeu de rôle du Qatar. Comment s’inscrire dans cette nouvelle donne, sinon par l’adoption d’une attitude de bonnes relations, sans exclusive.  La pause de réflexion nécessaire doit permettre au citoyen habilité par la révolution à assurer l’application des vues de l’opinion publique et sa nécessaire réconciliation avec les impératifs des intérêts de la nation, définis par son histoire et sa géographie.

Pr. Khalifa Chater

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