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24 juin 2010 4 24 /06 /juin /2010 23:57

N’occultons pas les dimensions géopolitiques de la coupe du Football. Les compétitions auxquelles elle donne lieu concernent, bien entendu, les relations internationales. Ces affrontements sur le terrain suscitent des tensions, attisent des animosités et éveillent des rivalités, heureusement conjoncturelles. Faut-il s’en étonner… ? Le classement qu’elles établissent et la hiérarchisation qu’elles font valoir peuvent susciter des jalousies, des contestations de l’ordre sportif dominant. En tant que telle, la coupe du monde du football crée des situations de défis, des mises à l’épreuve et parfois  des dérives nationalistes. Dans ce contexte, la colère est mauvaise conseillère. Peut-on, d’ailleurs, nier les effets des états d’âme dans tous les domaines des relations internationales ? Nous ne pouvons malheureusement pas exclure du monde conflictuel le Football, alors qu’il ne constitue, en fin de compte qu’un jeu, qui devrait impliquer la fraternité, la concorde et la convivialité.

Etant donné que la phase préliminaire de la compétition permet aux meilleures sélections de chaque continent de se qualifier pour la phase finale qui se déroule dans un pays organisateur, nous pouvons  tracer l’historique géopolitique de la coupe du monde, par l’étude comparée des pays sélectionnés et des comportements lors des phases de compétition. Les analystes ont relevé que seules sept nations sont au palmarès de la Coupe du monde. D’autre part, le Brésil qui est la seule équipe à avoir disputé toutes les phases finales de compétition, détient le record d'éditions remportées avec cinq succès. L’Italie tenante du titre, compte quatre trophées, soit un de plus que l'Allemagne . L'équipe vainqueur de la première édition, l'Uruguay, gagne deux fois l'épreuve tout comme l'Argentine , autre pays d'Amérique du Sud . Enfin, la France et l'Angleterre  remporte chacun une Coupe du monde en tant que pays hôte. Ce qui atteste bien une différence - sinon un simple décalage - entre la hiérarchisation entre les puissances globales et les positions dominantes, dans le domaine du football.

Comme toute compétition internationale, la coupe de Football 2010 annonce des rééquilibrages géopolitiques  sectoriels évidents.  Sans préjuger des résultats finaux, les jeux d’Afrique du Sud ont été des sérieuses mises à l’épreuve de la France et parfois ébranlé de grandes équipes, comme celles de l’Espagne et du Royaume Uni. Peut-on se hasarder à dire qu’elles s’inscrivent dans la redimension géopolitique de l’Europe, en tant que puissance ? Notons cependant que  des acteurs européens de moindre importance, dans ce domaine, ont pu "déclasser" des grands acteurs sur le terrain du foot.

Le choix de l’Afrique du Sud, pour accueillir ces assises sportives, confirme son  statut de puissance régionale. La lutte nationale contre l’apartheid couronnée par l’abolition de ce  régime de ségrégation raciale, en 1991,  et le retour à la paix civile qui s’en suivit,  ont permis "d’assurer  l’un des plus spectaculaires retournements politiques de l’histoire". La fin de l’alliance quasi organique de l’ancien régime de Pretoria, avec Israël constitue un acquis de l’histoire. Ce modèle de libération aura valeur d’exemple pour  la Palestine, puisque la communauté internationale  sera, à plus ou moins brève échéance, appelée à mettre fin à l’occupation qu’elle condamne.

Dans le cadre de cette amorce d’un rééquilibrage progressif  de l’ordre sportif, la victoire des Etats-Unis, nouveau venus en Football, sur l’Angleterre qui a assuré la promotion de cette discipline, atteste le croisement des champs de domination et d’hégémonie. Désormais, "l’hyperpuissance", selon l’expression de Védrine, aura son mot à dire, dans tous les domaines, y compris le foot. L’absence de la Russie confirme la fin du bipolarisme et de la guerre des idéologies. Mais la présence des deux Corée durant la phase préliminaire de la compétition rappelle les enjeux de la guerre froide. Le Japon a assuré sa participation, limitant ses ambitions aux  moyens dont il dispose, dans un secteur qui ne fait pas encore partie  de ses priorités urgentes. L’analyse de la géopolitique internationale atteste, d’ailleurs, que les nouveaux grands acteurs de l’Asie sont plus soucieux d’assurer des percées économiques et de conquérir des marchés,  s’assurant ainsi les moyens de  leur promotion politique.

Par contre, l’émergence de l’Afrique reste modeste, en dépit des progrès réalisés dans la plupart des pays et la qualité des joueurs africains, recrutés dans les équipes professionnelles européennes. Notons que le Maghreb a pratiquement assuré sa présence régulière dans les différentes compétitions, depuis la participation honorable de la Tunisie, dans la coupe du monde en 1978. Depuis cette date, la Tunisie, le Maroc et l’Algérie, ont pu faire valoir trois participations, chacune :

La Tunisie, en 1978, 2002 et 2006

Le Maroc, en 1986, 1994 et 1998

L’Algérie en 1982, 1986 et 2010.

 

Notons, qu’à l’exception de l’Arabie Saoudite, la participation des équipes des autres pays arabes a été moins importante : le Koweït en 1982, l’Irak en 1986, l’Egypte et les Emirats en 1990. Est-ce à dire que la géopolitique du Football annonce le rééquilibrage du monde arabe, en faveur du Maghreb ?

Par tradition, l’Amérique latine occupe une place de choix dans ces compétitions. Les résultats obtenus au cours de la phase préliminaire  (domination de l’Uruguay  et du Mexique dans le groupe A, de  l’Argentine, dans le  groupe B, du Paraguay, dans le groupe F, du Brésil dans le groupe G et du Chili, dans le groupe H), confirment les acquis de l’Amérique latine, dans le domaine. Ce qui met en évidence, le décalage entre  les cartes de la géopolitique et des pôles du football. Et pourtant, l’émergence du Brésil, avec les forces montantes du Bric (Brésil, Inde, Chine et Russie), ses contestations de l’Establishment international et sa position indépendance au sein du Conseil de Sécurité, permettent d’évoquer un certain croisement dans les hiérarchisations internationales.

Mais limitons les comparaisons, à leurs secteurs spécifiques. Leurs référentiels les distinguent ainsi d’ailleurs que leurs qualificatifs. Il faut condamner les dérives sectaires et les comportements chauvins des compétitions sportives et leur restituer la dimension du jeu festif et convivial. Autre considération nécessaire, il ne faut pas que l’intérêt du spectacle serve à occulter les tristes faits d’actualité, les graves questions internationales et les tragédies qu’elles provoquent et dont la solution doit rester la préoccupation de tous

Pr. Khalifa Chater

 

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