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17 juin 2011 5 17 /06 /juin /2011 00:26

“La région est maculée du sang des peuples au Yémen, en Syrie et en Libye par des dirigeants censés présider des républiques: le Président gouverne durant son mandat puis quitte le pouvoir. Ce qui est censé se produire. C'est la façon d'être des républiques. Mais notre réalité dit l'inverse. La réalité de notre région dit que les présidents que subissent nos peuples du genre des dirigeants du Yémen, de la Syrie et de la Libye fonctionnent selon la règle, je vous gouverne ou je vous tue” (Tarek el-Hamid, Ech-Chark al-Awset, 4 juin 2011).

 

Très attendu, après le départ de Ben Ali le 14 janvier et de Moubarak le 11 février, celui du Président du Yémen eut lieu le samedi 4 juin, fixant un troisième repère au feuilleton à suspense des changements de régimes, dans le contexte du printemps arabe. Les républiques monarchiques défraient la chronique, en inventant des subterfuges pour assurer le maintien au pouvoir de ceux qui les ont confisqués. Fuites ou départs volontaires des anciens présidents Ben Ali et Moubarak ? L’ouverture des archives permettra aux historiens du futur de répondre à la question. Elle éclairera les zones d’ombres, les jeux du pouvoir, les manœuvres des hommes de cour, en relation avec le contexte international, que nous ne pouvons pas éluder.  Mais nous ne devons pas relativiser le rôle de la contestation populaire qui a exercé sa contrainte,  en appelant les dirigeants contestés à “dégager”. Alors que Ben Ali et Moubarak ont été relativement prompts à s’exécuter - poussés par certains à la sortie -, le Président Salah a fait la sourde oreille. Il accepta la solution honorable que lui offrit le Conseil du Golfe mais tint pas sa promesse. Il refusa, à trois reprises, de signer l’accord, privilégiant la solution sécuritaire. Pis encore, il mobilisa ses adeptes pour la répression et mit à l’ordre du jour la guerre civile, en engageant sa clientèle à l’affrontement tribal.

L'attaque du palais présidentiel, par des obus, le vendredi 3 juin, a blessé le Président, le Premier ministre, deux vice-Premier ministres et les présidents des deux chambres du parlement. Aller simple ou aller et retour, le départ du Président Salah et de ses proches collaborateurs, pour des soins en Arabie Saoudite, suscite une vacance du pouvoir alors que l’attaque a décapité le gouvernement. L’intérim est désormais assuré par  le vice-président, Abdel Rabbo Mansour Hadi. Pouvait-on se hasarder à parler d’un changement de régime ? Les jeunes de la révolution  se sont empressés de célébrer ce départ, qu’ils estimaient définitifs. Mais la réalité est bien plus complexe. Ahmed, le fils aîné du Président Salah, commande les troupes d'élite de la garde républicaine et trois de ses neveux contrôlent les agences de renseignements et de sécurité du pays. Vu la nature clientéliste du régime et la distribution des pouvoirs militaires et sécuritaires entre les membres de la famille Salah, le vice-président n’a pas les coudées franches pour prendre le contrôle du pouvoir et, si possible, saisir cette opportunité pour tenter de rétablir le dialogue et inaugurer une ère de transition, par la réalisation d’une réconciliation générale.

Le contexte actuel peut cependant conforter sa position, car le changement du régime constituait désormais une priorité pour les Etats-Unis et l’Arabie saoudite. Les ingrédients de l’équation yéménite sont désormais graves : instabilité, insécurité, guerre civile, réactualisation du tribalisme, sans oublier l émergence de la Kaïda, favorisée par ce contexte. Les pourparlers entre l’ambassadeur des USA et le vice-président, alors qu’il venait de prendre le pouvoir,  le 5 juin 2011, attestait que le traitement de la crise était désormais perçu comme une urgence. Toute perte de temps, mettait en échec le changement dans la continuité que les USA préconisaient. De son côté, l’Arabie Saoudite craignait les débordements de l’élan révolutionnaire, sur son flanc sud. La redynamisation de la contestation au Bahreïn cette semaine et le sit in du Koweït, le 3 juin, demandant au premier ministre de “dégager”. en reprenant le slogan du printemps arabe et en revendiquant l’instauration d’une monarchie constitutionnelle, ne pouvaient que susciter l’inquiétude de l’ensemble des pays du Golfe. Dans quelle mesure, est-ce que la nouvelle donne ne favorise pas le retour à la médiation des pays du Conseil du Golfe, comme une exigence absolue, vu la gravité des effets d’entraînement de  la poursuite de l’enlisement au Yémen ? 

 

Pr. Khalifa Chater

 

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