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21 août 2010 6 21 /08 /août /2010 10:23

Au Moyen-Orient, l’histoire semble se précipiter. Les chasses croisées des acteurs, de différents niveaux, semblent annoncer  l’ouvertures de perspectives nouvelles. L’observateur avisé doit cependant séparer  le discours et la réalité, les manifestations protocolaires et les engagements politiques, le surplace pour la consommation populaire et les vraies initiatives de dialogue.
Nous dégageons les faits suivants, dans l’actualité de ces jours - ci :

En ce qui concerne le processus de paix, les Etats-Unis qui s'efforcent désormais de promouvoir un dialogue direct entre Palestiniens et israéliens ( lettre d’Obama à AbouMazen, 16 juillet 2010), mobilisent leurs relations d’alliances, à cet effet. Consultée par l’autorité palestinienne, la Ligue des Etats Arabes a "donné à M. Abbas son feu vert pour passer des pourparlers indirects à des pourparlers directs", selon l’appréciation de la situation par l’autorité palestinienne (Le Caire 29 juillet).

Vietnamisation de la guerre en Afghanistan où aucune perspective de sortie de guerre n’est actuellement envisagée. Fait important, 102 députés démocrates à la Chambre des représentants ont refusé, le 27 juillet, à leur président de continuer à financer sa guerre en Afghanistan. Il a fallu le soutien de la quasi-totalité des députés républicains pour que la Chambre accepte les 33 milliards de dépenses militaires supplémentaires que lui réclamait l'Administration Obama.

Escalade en Irak. Juillet 2010 fut le mois le plus meurtrier depuis mai 2008, avec 535 morts.

Au Liban, le Sommet du roi Abdallah d'Arabie saoudite, du  président syrien Bachar al-Assad et du Président libanais, le vendredi 30 juillet, pour circonscrire une éventuelle guerre civile, suite aux révélations sur une possible mise en cause du Hezbollah dans l'assassinat de l'ex-Premier ministre libanais Rafic Hariri.

Dans notre quête d’analyse de l’actualité, l’identification de ces faits-événements, de ces actes repères ont bien plus d’importance. Peut-on affirmer qu’elles s’inscrivent dans une volonté laborieuse de sortir des impasses, de transgresser les statu quo tragiques ?  Peuvent-elle annoncer, sinon créer un mouvement de dynamisation et de synergie ?  

En ce qui concerne la question palestinienne, les efforts du Président Obama sont méritoires. Ses déboires, lors de ses premières tentatives de traitement de la question palestinienne, sa résignation devant le refus israélien d’arrêter la colonisation territoriale, ont longtemps bloqué ses initiatives.  Pouvait-il se désengager alors que l’impasse risque de remettre en question l’approche de  son appel du Caire ou du moins de limiter son impact ? En dépit de cette situation, le Président Obama ne désespère pas. Mais quelles sont les chances de réussite de son pari ?

En ce qui concerne  l’Irak et l’Afghanistan,  le Président américain fait face à une situation qu’il a héritée. Le départ annoncé des troupes américaine d’Irak ne signifie pas hélas l’établissement de la paix et de la concorde entre ses habitants. Sur quelles bases faudrait-il reconstruire le consensus et instaurer “le vivre ensembles” ? Comment faire pour faire valoir la “décision des urnes”, redimensionner les conflits ethniques et/ou pseudo religieux ?  La communauté internationale doit se mobiliser pour assurer la reprise du développement et de la croissance d’un Etat jadis prospère.

Pour l’Afghanistan, une révision déchirante de la politique d’intervention est envisagée par le Président Obama. La stratégie de contre-insurrection   qu’il aprésentée par, lors de son discours de décembre 2009, à l'académie militaire de West Point, n’a pas donné de résultats convaincants. Le président américain qui en prend acte, doit tenir compte de la fronde de la gauche du Parti démocrate”, qu’elle a suscitée (Renaud Girard, Le Figaro, 2 août 2010).  Mais la révision stratégique est plus facile à émettre qu’à réaliser.

Au Liban, le temps a fait son œuvre. La sortie de la guerre civile a été un “miracle” de la communauté libanaise. Des observateurs pessimistes évoqueraient un “équilibre instable”. Dans cet environnement semé d’embûches, le Liban subit les effets des engagements guerriers sur son propre territoire et dans son voisinage.  Il peut être à la merci des luttes entre les acteurs de la scène moyen orientale. Ce risque est, pour le moment, heureusement écarté. Une conjoncture de paix conforterait cette situation de concorde.

Que peut-on donc faire pour accélérer la réalisation des objectifs de paix et de concorde au Moyen-Orient ? Est-ce que la priorité ne consiste pas à fixer de nouvelles directions et un nouvel ordre du jour ? Nous estimons que de nouveaux engagements devront être pris et élaborés dans le cadre de nombreuses interactions dynamiques successives. Une révision de la problématique doit être mise à l’ordre du jour. Ne faut-il pas aussi tenir compte de l’évolution de la dynamique intérieure, des conséquences des sentiments de colère et de ressentiments d’une population opprimée par l’occupation et des réactions de solidarité de l’aire arabo-musulmane.  Le virage stratégique de la Turquie s’inscrit, dans une large mesure, dans une prise en compte de son opinion publique. Une vision multilatérale  de la géopolitique, conforme au changement du rapport de forces qui se profile au Moyen-Orient et dans le monde permettra une réflexion lucide, en vue d’instaurer le climat de paix, seule alternative aux surenchères et à la montée des extrémismes.

Pr. Khalifa Chater

 

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4 août 2010 3 04 /08 /août /2010 23:52

Le processus diplomatique ne s’est pas suffisamment préoccupé des évolutions sur le terrain et de leurs conséquences. Quelles évolutions ? D’abord la colonisation. (Dennis Ross, ancien médiateur américain au Proche-Orient, interrogé sur l’erreur commise au sommet de Camp David en 2000).

 

Dans sa dernière livraison, intitulée "A un ami israélien",  plus exactement  l'intellectuel et ancien ambassadeur Elie Barnavi, Régis Debray pose, à propos de la situation palestinienne, l’interrogation hamlétienne  -  référence à la pièce de William Shakespeare -  : "To see or not to see" (voir ou ne pas voir). Cette  question est désormais essentielle dans notre monde régi par les images. A juste titre, Régis Debray relève le décalage entre la réalité sur le terrain et son identification partisane, par le discours israélien, relayé par le politiquement correct occidental :   "On ne boucle pas une population, on évacue un territoire".  "On ne l'écrase pas sous un déluge de feu, on conduit une guerre asymétrique...Il n'y a pas de Mur, mais une clôture de sécurité». Autres exemples, ce discours emploie les expressions "croissance naturelle" et  colonies sauvages", au lieu de nettoyage ethnique. Il parle de "moratoire" ou de "pause" dans les négociations, au lieu de répit dans l'annexion, permettant le grignotage et la poursuite de la colonisation. Or, il faut rappeler les maîtres mots qui définissent l’état actuel de la Palestine, l’occupation et l’exploitation  et d’après la définition de Régis Debray  "l'administration d'un protectorat".

Régis Debray a été chargé en octobre 2006, par le président de la République française de l’époque, M. Jacques Chirac, de « conduire une enquête de terrain sur la situation des diverses communautés ethno-religieuses au Proche-Orient». Il lui recommanda d’adopter "une démarche sans exclusive, conduite auprès de tous les secteurs d’opinion ". Régis Debray, présenta aux autorités françaises, le 15 janvier 2007, une note sur la Palestine et sur les risques impliqués par les faux-semblants rhétoriques en vigueur, dans une certaine langue de bois internationale :

“L’écart, dit-il,  entre ce qui est dit parce que nous souhaitons l’entendre (retraits locaux, assouplissements des permis, levée d’un barrage sur vingt, inflexion du ton, etc.) et ce qui est fait sur le terrain, et que nous répugnons à voir (maillage des colonies, constructions de ponts et tunnels, encerclements des localités palestiniennes, expropriations des terres, destructions des maisons, etc.), prend les proportions, les uns diront de double jeu, les autres de schizophrénie… « Judée-Samarie » est le nom donné à la Cisjordanie par les cartes et les manuels scolaires israéliens, où l’effacement de la « ligne verte » de 1967 est désormais un acquis légalisé … un théâtre à deux scènes, où l’une, l’internationale, voit la redite de mots vagues au flou avantageux (retrait, coexistence, Etat) mais où les choses sérieuses (implantations, routes, tunnels, nappes aquifères) se passent à côté, sur le théâtre d’opérations qui décidera à terme (sans publicité)”.

Prenant acte du désintérêt officiel que suscita son rapport, vu la pesanteur de la géopolitique favorable au discours israélien, Régis Debray rend publique son rapport le 7 août 2007, l’intitulant   : "Pour une cure de vérité au Proche-Orient ". Il persiste et signe, en poursuivant son analyse et en publiant récemment son diagnostic, dans sa lettre à un ami.

Perdant de vue ces considérations, occultant la politique de colonisation et d’apartheid, le processus diplomatique a conduit à l’impasse et à la montée des périls qui nourrit la colère arabe, met à l’ordre des jours les stratégies de désespoir et les dérives extrémistes qui en résultent. Ce qui redimensionne les réunions du quartet, les concertations diplomatiques, les négociations directes ou indirecte des protagonistes et même les rencontres au sommet destinées à redynamiser le processus de paix. Inscrite hors contexte, puisque l’autorité palestinienne a décidé de mettre fin aux négociations directes, avant l’arrêt de la colonisation, la  rencontre entre le Premier ministre Salam Feyadh et le  ministre de la Défense israélien Ehud Barak, lundi 5 juillet, ne pouvait ouvrir de nouvelles perspectives. Elle confirma, d’ailleurs, les positions arrêtées par l’Establishment israélien.

Que faut-il attendre, dans ce contexte, du Sommet du 7 juillet entre Netanyahu et le Président Obama, à la maison Blanche, sachant le rejet israélien de la stratégie du Président américain, relative à la question palestinienne ? Les observateurs ont remarqué, certes  une volonté commune de tourner la page d'une période de tensions. Mais, en dépit du  ton conciliant des deux partenaires,  il n’ ya pas eu d’avancée susceptible de créer des conditions favorables à la reprise des négociations. Dans le contexte de la poursuite de la colonisation, du développement de la pacification et du blocage, le souhait exprimé par Netanyahu, de passer des pourparlers dits de proximité, menés sous médiation américaine à un dialogue direct, est un vœux pieux, sans portée effective.

Il faut reconnaître, comme fait d’évidence, l’absence d’un repositionnement israélien en vue, au profit du règlement de la question palestinienne, en dépit des demandes du Président  Obama.  Et pourtant, le changement de la donne  depuis la guerre contre Gaza et l’assaut contre la flottille de la liberté dans les eaux internationales auraient pu favoriser "un retour de la conscience". A juste titre, Pascal Boniface, Directeur de l’Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS) remarquait récemment qu’après l’attaque au large de Gaza, Israël "a perdu la bataille de l’opinion" (L’Humanité, 26 juin 2010). Autre fait important, la relation conflictuelle entre la Turquie et Israël - qui ne pouvait être conjoncturelle - annonçait un changement des rapports de forces dans l’environnement, puisqu’elle remettait en cause l’alliance stratégique d’antan. Constat lucide de Régis Debray, dans sa lettre à un ami israélien : “«Si la soudure avec l’Occident vous garantit l’immunité, la coupure avec l’Orient vous garantit l’insécurité”.

   Pr. Khalifa Chater

- Debray, Régis, A un ami israélien,  Avec une réponse d'Elie Barnavi, Paris, Flammarion. 2010 - 156 p.

 

 

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29 juillet 2010 4 29 /07 /juillet /2010 18:55

Tout paradoxe politique implique une double polarité, une vitrine éclairée et une face d’ombre, sinon d’irrationnel. Dans le cas du paradoxe de l’été, la farniente, la  torpeur et la douce oisiveté qui l’accompagnent, assurent la déconnection  de l’actualité immédiate. "les vacanciers sur la plage", à la montagne ou dans les sites campagnards de repli, vivent en marge du monde, occultent ses bouleversements, ses affrontements et les tragédies qu’ils perpétuent.  Alors que le citoyen du monde vit au ralenti, dans un contexte de désintéressement évident, de la géopolitique internationale, les faits d’actualité, les risques d’intervention, ou tout simplement la sauvegarde de statu quo hégémonique tirent profit de cette mise en somnolence saisonnière. C’est ce que j’appelle le paradoxe de l’été.

La coexistence de la farniente avec la coupe du monde - saga de l'été - , ne pouvait que favoriser cet état "d’ankylose" de l’esprit ou du moins ce ralentissement de la réflexion critique devant l’événement international et parfois la montée des périls. “Le jeu de société”, qui définit les différentes  compétitions sportives, est curieusement porté aux nues. Ce fut, se hasarda à dire François Bégaudeau,  la victoire de la pensée ”. Il évoqua  une logique de guerre civile rédemptrice, quand il faudrait s'ouvrir sur le grand large d'un foot dont l'étape sud-africaine a confirmé la dimension mondiale ”, tout en remarquant que la France  demeurera une nation de foot de seconde zone ” (Le Monde, 12.07.2010).  La compétition sportive devient ainsi une alternative à l’étude des rapports de forces entre les nations.  

 Dérive de la pensée, la coupe du monde a, cette année, érigé en devin, en analyste de la géopolitique du football, Paul le poulpe. Le céphalopode de l'aquarium d'Oberhausen aurait anticipé tous les résultats de l'équipe allemande depuis le début du Mondial - quatre victoires et deux défaites, contre la Serbie puis l'Espagne. Avant chaque match, Paul se voyait présenter la même nourriture dans deux boîtes en plastique ornées du drapeau de chaque pays. Son choix a toujours correspondu à l'issue du match à suivre, au plus grand désarroi cette fois des supporters allemands. Grande question à l’ordre du jour, Paul est-il doué d’intuition, ou serait-il un simple charlatan ? Angel Guerra, expert espagnol en poulpes de l'Institut des Enquêtes Marines du CSIC à Vigo, ne croit pas aux pouvoirs surnaturels de Paul, le célèbre poulpe. Mais qui peut démentir cette donnée désormais bien enraciné. Suscitant la colère par son parti pris partisan, Paul est désormais l’objet d’une haine très vive, chez les partisans des équipes vaincues. Faut-il le laisser mourir de sa propre mort, dans un plus ou moins bref délai, selon  sa propre biologie ou lui infliger  le châtiment des sorcières ?  Une prise de distance par rapport aux surenchères sportives de la coupe, permettrait le retour de la conscience et de la lucidité.

Une autre facette  du miroir du paradoxe de l’été, le vouloir  vivre ensemble  a été sérieusement affecté, en marge du monde du jeu. Constat d’évidence, l'histoire sur la scène politique ne nous ménage pas  ses irruptions discontinues, ses  événements dramatiques. Quelques exemples permettraient d’étayer cette réflexion :

Deux attentats à la bombe,  attribués à un mouvement intégriste somalien  ont fait, dimanche soir 11 juillet,  au moins 64 morts à Kampala, la capitale ougandaise, dans un restaurant et un club de sport qui retransmettaient la finale de la Coupe du monde de Football.

Onze agents secrets présumés accusés d'appartenir à un réseau travaillant pour la Russie ont été officiellement inculpés mercredi 7 juillet par le parquet de New York. Ce qui atteste que la fin de la guerre froide s’accommode d’une poursuite de la guerre de renseignements. Précipitation des faits, l’opération judiciaire se termina, deux jours plus tard, par un échange d'espions, entre les USA et la Russie à l'aéroport de Vienne. La caricature prend ainsi le relai de l’affrontement de l’ère bi-polaire. Ce qui atteste que les grands acteurs ne prennent pas de vacances politiques.

Nous n’oublierons, d’autre part, en essayant de baliser la carte géopolitique du Moyen-Orient, le risque de  guerre civile en Irak, les affrontements en Afghanistan, la poursuite du blocus, de la colonisation et de la "pacification ", en Palestine, les effets d’entraînement des tensions entre les protagonistes à propos de l’enrichissement nucléaire, en  Iran.

Le paradoxe de l’été construit  ainsi une barrière virtuelle entre   le jeu sur le terrain du sport et les confrontations sur les scènes de la géopolitique. Mais les contentieux et les situations conflictuelles qu’elles nourrissent  se perpétuent, sans perspective crédible de sortie de guerre. Et pourtant, l’éthique fondatrice des jeux a pour objectif la rencontre des peuples, l’établissement d’une culture de paix et les affrontements désintéressés, au service de l’homme. Elle doit permettre de faire valoir cet universalisme, porteur de paix, de coopération et de solidarité.

Pr. Khalifa Chater

 

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24 juin 2010 4 24 /06 /juin /2010 23:57

N’occultons pas les dimensions géopolitiques de la coupe du Football. Les compétitions auxquelles elle donne lieu concernent, bien entendu, les relations internationales. Ces affrontements sur le terrain suscitent des tensions, attisent des animosités et éveillent des rivalités, heureusement conjoncturelles. Faut-il s’en étonner… ? Le classement qu’elles établissent et la hiérarchisation qu’elles font valoir peuvent susciter des jalousies, des contestations de l’ordre sportif dominant. En tant que telle, la coupe du monde du football crée des situations de défis, des mises à l’épreuve et parfois  des dérives nationalistes. Dans ce contexte, la colère est mauvaise conseillère. Peut-on, d’ailleurs, nier les effets des états d’âme dans tous les domaines des relations internationales ? Nous ne pouvons malheureusement pas exclure du monde conflictuel le Football, alors qu’il ne constitue, en fin de compte qu’un jeu, qui devrait impliquer la fraternité, la concorde et la convivialité.

Etant donné que la phase préliminaire de la compétition permet aux meilleures sélections de chaque continent de se qualifier pour la phase finale qui se déroule dans un pays organisateur, nous pouvons  tracer l’historique géopolitique de la coupe du monde, par l’étude comparée des pays sélectionnés et des comportements lors des phases de compétition. Les analystes ont relevé que seules sept nations sont au palmarès de la Coupe du monde. D’autre part, le Brésil qui est la seule équipe à avoir disputé toutes les phases finales de compétition, détient le record d'éditions remportées avec cinq succès. L’Italie tenante du titre, compte quatre trophées, soit un de plus que l'Allemagne . L'équipe vainqueur de la première édition, l'Uruguay, gagne deux fois l'épreuve tout comme l'Argentine , autre pays d'Amérique du Sud . Enfin, la France et l'Angleterre  remporte chacun une Coupe du monde en tant que pays hôte. Ce qui atteste bien une différence - sinon un simple décalage - entre la hiérarchisation entre les puissances globales et les positions dominantes, dans le domaine du football.

Comme toute compétition internationale, la coupe de Football 2010 annonce des rééquilibrages géopolitiques  sectoriels évidents.  Sans préjuger des résultats finaux, les jeux d’Afrique du Sud ont été des sérieuses mises à l’épreuve de la France et parfois ébranlé de grandes équipes, comme celles de l’Espagne et du Royaume Uni. Peut-on se hasarder à dire qu’elles s’inscrivent dans la redimension géopolitique de l’Europe, en tant que puissance ? Notons cependant que  des acteurs européens de moindre importance, dans ce domaine, ont pu "déclasser" des grands acteurs sur le terrain du foot.

Le choix de l’Afrique du Sud, pour accueillir ces assises sportives, confirme son  statut de puissance régionale. La lutte nationale contre l’apartheid couronnée par l’abolition de ce  régime de ségrégation raciale, en 1991,  et le retour à la paix civile qui s’en suivit,  ont permis "d’assurer  l’un des plus spectaculaires retournements politiques de l’histoire". La fin de l’alliance quasi organique de l’ancien régime de Pretoria, avec Israël constitue un acquis de l’histoire. Ce modèle de libération aura valeur d’exemple pour  la Palestine, puisque la communauté internationale  sera, à plus ou moins brève échéance, appelée à mettre fin à l’occupation qu’elle condamne.

Dans le cadre de cette amorce d’un rééquilibrage progressif  de l’ordre sportif, la victoire des Etats-Unis, nouveau venus en Football, sur l’Angleterre qui a assuré la promotion de cette discipline, atteste le croisement des champs de domination et d’hégémonie. Désormais, "l’hyperpuissance", selon l’expression de Védrine, aura son mot à dire, dans tous les domaines, y compris le foot. L’absence de la Russie confirme la fin du bipolarisme et de la guerre des idéologies. Mais la présence des deux Corée durant la phase préliminaire de la compétition rappelle les enjeux de la guerre froide. Le Japon a assuré sa participation, limitant ses ambitions aux  moyens dont il dispose, dans un secteur qui ne fait pas encore partie  de ses priorités urgentes. L’analyse de la géopolitique internationale atteste, d’ailleurs, que les nouveaux grands acteurs de l’Asie sont plus soucieux d’assurer des percées économiques et de conquérir des marchés,  s’assurant ainsi les moyens de  leur promotion politique.

Par contre, l’émergence de l’Afrique reste modeste, en dépit des progrès réalisés dans la plupart des pays et la qualité des joueurs africains, recrutés dans les équipes professionnelles européennes. Notons que le Maghreb a pratiquement assuré sa présence régulière dans les différentes compétitions, depuis la participation honorable de la Tunisie, dans la coupe du monde en 1978. Depuis cette date, la Tunisie, le Maroc et l’Algérie, ont pu faire valoir trois participations, chacune :

La Tunisie, en 1978, 2002 et 2006

Le Maroc, en 1986, 1994 et 1998

L’Algérie en 1982, 1986 et 2010.

 

Notons, qu’à l’exception de l’Arabie Saoudite, la participation des équipes des autres pays arabes a été moins importante : le Koweït en 1982, l’Irak en 1986, l’Egypte et les Emirats en 1990. Est-ce à dire que la géopolitique du Football annonce le rééquilibrage du monde arabe, en faveur du Maghreb ?

Par tradition, l’Amérique latine occupe une place de choix dans ces compétitions. Les résultats obtenus au cours de la phase préliminaire  (domination de l’Uruguay  et du Mexique dans le groupe A, de  l’Argentine, dans le  groupe B, du Paraguay, dans le groupe F, du Brésil dans le groupe G et du Chili, dans le groupe H), confirment les acquis de l’Amérique latine, dans le domaine. Ce qui met en évidence, le décalage entre  les cartes de la géopolitique et des pôles du football. Et pourtant, l’émergence du Brésil, avec les forces montantes du Bric (Brésil, Inde, Chine et Russie), ses contestations de l’Establishment international et sa position indépendance au sein du Conseil de Sécurité, permettent d’évoquer un certain croisement dans les hiérarchisations internationales.

Mais limitons les comparaisons, à leurs secteurs spécifiques. Leurs référentiels les distinguent ainsi d’ailleurs que leurs qualificatifs. Il faut condamner les dérives sectaires et les comportements chauvins des compétitions sportives et leur restituer la dimension du jeu festif et convivial. Autre considération nécessaire, il ne faut pas que l’intérêt du spectacle serve à occulter les tristes faits d’actualité, les graves questions internationales et les tragédies qu’elles provoquent et dont la solution doit rester la préoccupation de tous

Pr. Khalifa Chater

 

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24 mai 2010 1 24 /05 /mai /2010 10:05

     Déclenchée  par la crise grecque et l’effet dominos qu’elle annonça, dans l’aire nord-méditerranéenne (Espagne, Portugal, Italie et France), la mise à l’épreuve de  l’Euro, affecte les  seize pays européens qui ont adopté cette monnaie et a ses effets sur l’ensemble de l’Europe. Le duel Dollar/Euro, qui a marqué la naissance de cette monnaie en l’an 2009, est certes dépassé, dans la mesure où la crise financière est partie de Washington et qu’elle a concerné le dollar et la livre, avant d’exercer ses effets sur le monde. Des tensions perpétuent certes, ce combat d’arrière-garde, mais les marges de manœuvre du dollar et sa relation organique avec la gouvernance économique américaine, lui assurent une grande possibilité d’adaptation au marché.

   Ce n’est pas le cas de l’Euro, sur-évalué, échappant au pouvoir communautaire embryonnaire et aux Etats constitutifs du groupe. Les conditions d’appartenance à l’Euro sont d’ailleurs très rigides : un déficit public inférieur à 3 % du PIB, une dette publique ne dépassant pas 60 % du PIB, une inflation maîtrisée, une indépendance de la banque centrale du pays et une devise nationale stable pendant au moins deux ans. D’autre part, la clause dit du «no bail-out» (clause de non renflouement, article 125 du Traité de Lisbonne) interdit à l'Union et aux États de porter une assistance financière à un pays de la zone en difficulté financière. Alors que la monnaie est censée compenser les aléas des marchés et de s’adapter aux conjonctures, l’Euro, érigé en valeur absolue, n’a pas les moyens de traiter le "différentiel de compétitivité" entre les Etats qui l’utilisent.

Peut-on affirmer que les aléas économiques de la Grèce sont la résultante de la crise financière internationale ? Nous ne le pensons pas. Elle l’a sûrement anticipée, explicitée et mise en marche. D’autre part, les marchés sur-réagissent. En réalité, les contradictions internes au sein de l’eurogroupe  expliquent ce décalage entre le niveau d’endettement et les mécanismes de sa gestion. Jean-Pierre Vesperini fait valoir  que la  Zone euro n’est pas assez homogène et distingue  l’existence de facto de deux zones euro, une zone du Nord (Allemagne, Autriche, Pays-Bas notamment) et une zone du Sud (France, Espagne, Portugal, Italie, Grèce...). Il se hasarde même à annoncer que "la moins mauvaise des solutions serait sans doute la sortie de l'Allemagne" (Le Monde du 11/05/2010). Le combat n’est pas égal au sein de cette aire. Echappant aux autorités, l’Euro ne permet pas les fluctuations, pour gérer l’hétérogénéité des situations. Nous rejoignons le diagnostic sévère de Pisany-Ferry, qui estima à l'occasion de cette crise, que la zone euro a montré ses limites : "surveillance budgétaire inadaptée, absence d'un mécanisme de gestion des crises, insuffisance de débats économiques" (Jean Pisani-Ferry, "Gouvernement économique mode d'emploi", Le Monde du 23/02/2010).

   De fait, le débat sur la gouvernance économique a été ré-ouvert. Les dirigeants de la zone euro ont adopté, le 7 mai 2010 le plan d'aide à la Grèce. Ils ont mis en place un mécanisme sans précédent d'aide à la Grèce consistant en des prêts bilatéraux pour un montant total de 110 milliards d'euros (80 milliards pour les pays de la zone euro et 30 milliards pour le Fonds monétaire international). D’autre part, les ministres des finances des Vingt-Sept ont annoncé, le 10 mai 2010, la mise en place d'un plan de sauvetage de l'ordre de 750 milliards d'euros afin d'éviter que la crise grecque ne s'étende à l'Espagne, au Portugal, voire à l'Italie.  Mais les plans d’austérité, qui ont été adopté, dans ce contexte, peuvent susciter de graves crises sociales et politiques. Le remède identifié - simple expédient selon des observateurs avertis - peut susciter la déstabilisation de la région.

Peut-on parler de "la fin de l’Euro" ?  Christian Saint-Etienne, avance  cette thèse. Il estime que l’histoire économique montre qu’il ne peut y avoir de divergence durable entre souveraineté politique et souveraineté monétaire : « tôt ou tard, dit-il, la zone monétaire s’unifie politiquement, ou bien elle éclate ». Il rappelle la théorie économique classique qui enseigne qu’un certain nombre de conditions doivent être réunies pour qu’un groupe de pays ait intérêt à choisir une zone monétaire de parités fixes plutôt que conserver des parités flottantes et donc décider d’une union monétaire (Christian Saint-Etienne La fin de l’Euro, avril 2009). Or, l’euro,  monnaie unique, qui incarne l’originalité du projet institutionnel initial de l’Europe, constitue un acquis réel pour l’Europe. Il est destiné à établir une solidarité de fait. Mais les lois du marché ont occulté cette dimension, dans un contexte de grandes divergences macroéconomiques. De ce point de vue, la crise grecque  fut un test pour l’Euro. Mais elle  peut constituer une opportunité, pour le renforcer et l’adapter aux nouvelles donnes. Ne faudrait-il pas, d’autre part, tenir compte des changements des  mécanismes de la gestion monétaire, des progrès mais aussi des dérives. Désormais, les acteurs financiers et non seulement les Traders, manipulent la gestion économique, sur écran comme des jeux informatiques, ou presque. Les donnes virtuelles relaient l’économie réelle et occultent ses effets sociaux. Ne faudrait-il pas d’abord revenir au normes de l’économie réelle ?

Pr. Khalifa Chater

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20 avril 2010 2 20 /04 /avril /2010 12:32

Les morts sont invisibles. Ils ne sont pas absents (Saint Augustin).

 

Tristes actualités, les scènes moyen-orientales sont souvent jonchées de morts. Les agissements des commandos suicides continuent leur triste besogne. Le nombre de civils tués dans les violences en Irak a atteint en mars, 216 contre 211 le mois précédent.  Au moins 30 personnes tuées et 168 blessées dimanche dans trois attentats suicides perpétrés dimanche 4 avril à Bagdad, dont deux ont visé les ambassades d'Egypte et d'Iran. Situation tragique au Pakistan, lors d’un meeting politique dans le nord-ouest du pays à Timargarah, lundi 5 avril 2010, un kamikaze à pied a fait exploser sa bombe devant la tribune du Parti national Awami (ANP) faisant une quarantaine de victimes. Peu de temps après, une attaque revendiquée par les talibans, prenait pour cible le consulat américain de Peshawar. En Afghanistan, le feuilleton de la mort reste à l’ordre du jour. La diplomatie des Kamikazes - qu’ont ne doit pas confondre avec la stratégie de la résistance -  marque le Moyen-Orient avec ses effets d’entraînement sur toute la scène.

Suite à la guerre d’Irak, aux affrontements militaires en Afghanistan et à la poursuite de la politique israélienne de “pacification coloniale”, de tous ces facteurs qui ont affecté les équilibres fondateurs au Moyen-Orient, les mouvements de dérive, les réactions de désespoir et les tactiques utopistes et extrémistes qui en résultent, marquent la scène et l’embrouillent. Comment arrêter ces guerres asymétriques, sans lignes de fronts, où les populations innocentes deviennent des cibles ?

L’annonce de retrait des troupes américaines, à plus ou moins brèves échéances de l’Irak et l’organisation d’élections législatives n’ont pas mis fin aux dissensions, pour assurer la stabilité. En Afghanistan, il n’y a pas d’espoir à l’horizon. Le Pakistan est mis à rude épreuve, par le développement de la guérilla engagée par les Talibans. D’autre part, le veto israélien à la paix a pour objectif de perpétuer l’ordre colonial. Rien ne peut expliquer la paralysie diplomatique qui affecte la scène. La pesanteur géopolitique traduit plutôt l’absence d’une politique volontaire de la communauté internationale, le refus d’engagement des puissances et l’obstruction des stratégies alternatives.

Fait important, qu’il ne faudrait pas sous-estimer l’engagement de la Turquie dans son environnement moyen-Oriental et sa volonté de participer au traitement des questions de cette aire, sont en mesure de conforter l’option de l’apaisement. Son opposition à une guerre contre l’Iran, par une solidarité de voisinage, fait valoir la solution diplomatique des contentieux. Cette position turque traduit, sous l’effet de la montée des périls, l’élargissement de la scène proche orientale  aux partenaires de proximité, à l’Afghanistan et au Pakistan, sinon davantage. 

L’actualité tragique doit faire valoir la nécessité de promouvoir la diplomatie. Il faut transgresser les affirmations générales de compréhension et de souhaits qui maintiennent le statu quo hégémonique et différent les prises de positions. Ni dramatisation verbale, ni désengagement diplomatique, mais une analyse lucide de la donne devrait permettre de prendre en compte les enjeux réels et adopter la stratégie volontaire pertinente, pour  apaiser les passions et ouvrir les horizons de l’espoir et de la concorde. Il y va de notre bien être et de notre sécurité à tous.

Pr. Khalifa Chater

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27 février 2010 6 27 /02 /février /2010 10:23

"Il n’existe pas de guerre de nécessité. Toutes les guerres sont des guerres de choix" (Colin Powell, Paris Match, 23 -30 décembre 2009).

 

Le contentieux entre l’Occident et l’Iran, devient un sujet préoccupant. Il donne lieu à une agitation diplomatique, suscite des surenchères et annonce une montée des périls. Les nouvelles prises de position des partenaires, la fermeture de la porte demi-ouverte de la négociation, les menaces de "sanctions fortes", proposées par la France et les Etats-Unis et la diplomatie démonstrative de Téhéran mettent à l’ordre du jour l’escalade. Une réflexion objective, permettrait cependant de redimensionner la crise, de lui restituer ses justes dimensions, de dégager la graine de l’ivraie. De part et d’autre, les acteurs s’adressaient, en priorité, à leurs opinions publiques. Les politiciens occidentaux réalisent, en effet, qu’une intervention contre l’Iran, bouleverserait la région, déstabiliserait tous ses Etats, conforterait les dérives extrémistes tous azimuts, alors qu’une déradicalisation des opinions doit être mise d’urgence à l’ordre du jour. D’autre part, la communauté internationale est encore en train de payer la facture de l’intervention contre l’Irak. La guerre a démoli l’entité irakienne, réactualisé les oppositions ethniques et religieuses d’antan et s’est métamorphosée en ingérence directe. Mais les agitations de surface des protagonistes, cultivant les dérives émotionnelles et les contentieux entre les imaginaires respectifs, d’une guerre de civilisation dégradent dangereusement la situation et risquent, par le dépassement de la pensée rationnelle de mettre à l’ordre de jour l’affrontement néfaste. La guerre n’est certes pas une nécessité. Elle ne peut être un choix rationnel. Mais nous ne pouvons occulter le risque de guerre, conforté par les alliances géopolitiques et les lobbies qui les servent.

Les états d’âme de l’ordre nucléaire : Au cours de l’ère bipolaire, les Etats-Unis et l’URSS qui ont bâti un ordre nucléaire, ont œuvré pour s’en assurer le monopole. Moscou a dénoncé, en 1959, sa coopération nucléaire avec Pékin. Le nucléaire français a suscité, sous la Présidence du Général de Gaulle, un différend franco-américain. D’ailleurs, le traité de non-prolifération (1960) a pour objectif d’interdire l’élargissement du club des puissances nucléaires. Mais la réalité a montré cependant que les puissances nucléaires ont assuré l’élargissement du club, à leurs amis privilégiés. Qu’il nous suffise de rappeler la réalisation du nucléaire israélien, par le soutien du gouvernement français, suite au rapprochement mis en œuvre lors de l’agression tripartite contre l’Egypte. Accédant au pouvoir, le général de Gaulle a remis les pendules à l’heure et a assuré un retour aux normes.

Nous remarquerons, dans cet ordre d’idée, que toute acquisition de l’arme nucléaire a suscité un tollé général, des campagnes de presse, à l’exception du nucléaire israélien, qui a bénéficié d’un ménagement significatif.

Etat de la situation : La communauté internationale s’est accommodée, jusqu’à présent de l’asymétrie nucléaire qui jouait en faveur des détenteurs de l’atome militaire. Son usage comme arme de dissuasion est plutôt exprimé comme menace possible, sans application effective, à l’exception du bombardement de Hiroshima et de Nagasaki, par les USA. D’ailleurs, ce recours au nucléaire, en 1945, n’a pas créé mais "consolidé et même rigidifier" l’ordre géopolitique issu du second conflit mondial (Pierre Lelouche, le nouveau monde, 1992). Il ne confère pas mais confirme le statut de puissance, attesté par l’évolution effective des rapports de forces. Au Moyen-Orient, le statut de puissance régionale de l’Iran ne peut être établi ou remis en question par sa détention ou non de l’arme nucléaire.

Prenons en compte d’autre part, les limites sinon l’impossibilité de recours à cette arme, de peur de représailles auto-destructives, explicitées par les experts de la question :

"La sanctuarisation agressive, c’est-à-dire la manœuvre régionale conquérante d’un Etat adossé à l’impunité que procure l’arme nucléaire demeure, dans l’état actuel du système international interétatique, difficile à concevoir et à mener" (Dominique David, Sécurité : l’après-New-York, 2002).

Or, si l’on remet dans le contexte des discours de surenchères, les envolées lyriques iraniennes, seul l’Etat d’Israël a manifesté, dans les faits, une "manœuvre régionale conquérante", illustrée récemment par la guerre contre Gaza. D’ailleurs la puissance différentielle des puissances nucléaires occidentales permet de redimensionner la soi-disant menace du nucléaire militaire iranien, qui n’est qu’une possible éventualité lointaine. D’autre part, vu l’émergence des menaces asymétriques, "le problème principal, pour demain, que pose la diffusion des matériaux et technologies nucléaires n’est pas vraisemblablement celui de la prolifération des acteurs étatiques". Nous souscrivons à cette analyse pertinente de Dominique David.

 Fallait-il alors, susciter une nouvelle guerre, susceptible d’ébranler le Moyen-Orient, de provoquer la colère des opinions arabes et de stimuler les acteurs de dérives non étatiques ? D’autre part, une agression contre l’Iran, bloquerait la dynamique interne, par le ralliement de tous à la défense de la patrie en danger, à l’instar de ce qui s’est produit lorsque l’Irak a engagé la guerre contre l’Iran. D’ailleurs, la Secrétaire d’Etat Hilary Clinton a sûrement réalisé au cours de sa tournée, cette semaine, au Golfe, pour des concertations sur le conflit, les difficultés d’engagement des pays du Golfe, quelques soient leurs positionnements géopolitiques, dans une telle aventure qui mécontenterait leurs opinions publiques. La guerre les soumettrait à rude épreuve et risquerait de les impliquer, malgré eux. Acteur désormais important sur la scène moyen-Orientale, où elle a effectué un retour décisif, la  Turquie plaide pour un règlement du dossier nucléaire iranien via le dialogue, estimant que des sanctions économiques ou une action militaire auraient des conséquences lourdes pour toute la région.  

La voix de la raison permettrait de créer un climat d’apaisement, qui doit être conforté par une dénucléarisation de l’ensemble de l’aire et un traitement rapide de la question palestinienne. L’entrée dans l’aire monde implique nécessairement d’appliquer ses valeurs et de condamner les options unilatérales. La paix doit mise à l’ordre du jour comme le postulat du référentiel de la coexistence et de la solidarité.

Pr. Khalifa Chater

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13 janvier 2010 3 13 /01 /janvier /2010 19:07

Des analystes ont affirmé que la diplomatie climatique” - thème du sommet de Copenhague (7 décembre - 19 décembre 2009) - a “dessiné un nouveau monde”. En fait, Copenhague a révélé le nouvel Etat des relations internationales et annoncé vraisemblablement des futures hiérarchies de puissance. Hubert Védrine, bien avant ces assises climatiques, estima qu’on est, en 2009- 2010,au début d’une longue redistribution des cartes, qui prendra la forme d’une bagarre ou en tout cas d’une compétition multipolaire, à rebondissement multiples et à l’issue incertaine”. Et d’ailleurs, dès 2003, des analystes de la banque Goldman ont mis en évidence l’émergence des “BRIC” (Brésil, Russie, Inde, Chine), aux dépens des autres puissances. 

Vu l’importance des enjeux, le sommet de Copenhague dessinait les lignes de fractures et les démarcations géopolitiques. Dans de telles assises, les chefs d’Etat ne peuvent, dans les grandes messes qui les réunissent, perdre de vue leurs intérêts nationaux.

La redimension de l’Europe : le sommet de Copenhague illustra - certains diraient confirma - la redimension de l’Europe. L’Europe réussit, tant bien que mal, à s’entendre sur un projet d’accord. Ses dirigeants, particulièrement le Président Sarkozy se mobilisa, pour obtenir sa ratification. L’Europe dut tenir compte de l’émergence sur la scène d’acteurs  déterminés à faire valoir leurs visions. Et d’ailleurs, derrière son unité de façade, l’Union Européenne était très divisée sur la question. Certains pays, dont le Danemark qui accueillait et présidait la conférence, adoptaient une attitude de retrait. L’actualité politique a d’ailleurs souvent mis en évidence, la démarcation entre l’Europe de l’Ouest et les anciennes républiques socialistes, plus alliées avec Washington, par reconnaissance historique. Faut-il remettre en cause les ambitions de ceux qui veulent affirmer les prérogatives internationales de l’U.E. après l’application de l’accord de Lisbonne ? Stéphane Madaule, affirma hâtivement quel’Europe puissance est une chimère” ? (Le Monde, 29 décembre). Nous pensons que ce jugement doit être nuancé, sinon corrigé.

L’axe Washington-Pekin :  Le Président américain Barak Obama et le premier ministre chinois Wen Jiabao, qui se rencontrèrent, le 18 décembre et se concertèrent sur la question, remportèrent la décision. Il faut prendre la mesure de cette  initiative de ce G2, informel et pourtant convaincant. Les analystes européo-centristes signalèrent que le Président américain a rejoint la Chine, le Brésil, l’Inde et l’Afrique du Sud,qui sont considérés comme les trouble-fête du Sommet”. Faut-il rappeler que Hilary Clinton effectua son premier voyage important  en Chine ! Mais nous rejoignons l’analyse de Hubert Védrine qui estime que les Etats-Unis “essaieront de ne pas se laisser enfermer dans un G2”. Il s’agit plutôt, dans ce cas, d’une convergence d’intérêts, partagés d’ailleurs avec l’Inde, l’Afrique du Sud et le Brésil.

Le dynamisme des pays émergeants :  Rappelons le lever de bouclier des pays africains, qui ont exprimé leurs réserves au projet initial de  l’accord. Se considérant lésés, ils ont défendu leur position. Surpris, le reporter du Monde  considéra cet acte d’indépendance et de solidarité comme la manifestation d’un “pouvoir de nuisance” (Alain Barluet, 21 décembre). Nous avons vu, d’autre part, que les pays du Sud ont été des acteurs incontournables des assises de Copenhague. Peut-on parler d’une résurrection du Tiers-mondisme ou plutôt d’un néo-tiers-mondisme. Ils étaient pourtant conscients de la gravité des enjeux. Mais ils hésitaient à adopter cette logique de décroissance que l’accord impliquait ou du moins à faire valoir l’écologie sur le développement.  Pouvaient-ils se résigner à aliéner leur économie et “payer les deux siècles de pollution occidentale”, sans un plan Marshall d’envergure de soutien ? Est-ce que d’autres alternatives ne sont pas possibles  pour sauver la planète et ceux qui y doivent survivre ? 

En tout cas, l’accord du sommet  de Copenhague a montré certains déficits de la gouvernance internationale : Il fut réalisé par un compromis entre une trentaine de dirigeants sur les 119 présents. Ce qui incita le délégué brésilien à déclarer, lors de l’ultime séance plénière : “Vous allez entériner ce coup d’Etat contre les Nations Unies”.  Le Président français déclara que le Sommet de Copenhague montre “les limites d’un système onusien qui est à bout de souffle”. De fait, ces assises remettent à l’ordre du jour l’examen de la réforme du système onusien, en relation avec la redistribution de cartes, de la géopolitique internationale.

 

Pr. Khalifa Chater

- Hubert Védrine, Le temps des chimères, 2003- 2009, Paris, Fayard, 2009, préface, p.10.

- Voir le reportage de Paris-Match, du 23 au 30 décembre 2009, intitulé Copenhague : «beaucoup de bruit pour rien ou presque».

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26 août 2009 3 26 /08 /août /2009 17:55

La lutte pour l’indépendance indienne s’est réalisée, dans le cadre de la philosophie de la non-violence, prônée par Ghandi. Mais elle fut soutenue par la mise en question des privilèges coloniaux et la paralysie de l’ordre hégémonique et du mode d’exploitation qui le servait.  “La guerre de décolonisation”, au Maghreb, fut l’œuvre d’une mobilisation populaire et d’une stratégie de lutte, tenant compte d’un diagnostic préalable des rapports de forces. Elle fut servie par la presse écrite et la radio.  La guerre d’usure qu’elle engagea mit en échec la pacification de l’Establishment colonial, bloqua sa gestion des affaires et réalisa, la conquête de l’opinion métropolitaine, en sa faveur.  Elle fit valoir le principe de “la souveraineté populaire”. Les aléas de l’histoire et l’état de la géopolitique mirent à rude épreuve l’idéaltypus des discours fondateurs, durant  “l’ère de grâce”. Ils dessinèrent une ligne de démarcation, dans les projets de société, les options idéologiques  et les choix d’alliances, entre les régimes des pays frères et amis.

Exprimant sa volonté de rejet du régime du shah, otage de son alliance exclusive, conséquence du processus de restauration de son pouvoir, la contestation populaire iranienne se rallia au dignitaire religieux, Ayatallah Khomeiny, l’exilé de Kom et l’adopta comme guide spirituel de sa révolution islamique, en 1979. Ses discours diffusées, lors de campagnes d’envergure, par cassettes - médium dominant de l’époque - contribuèrent à faire valoir son charisme. Toute révolution dépendant de ses acteurs, Ayatallah Khomeiny installa une théocratie.  Consensus structurel ou conjoncturel, le régime fut consolidé par les épreuves du conflit avec les USA et son entrée en guerre avec le régime de Saddam Hussein.

Internet relaya la bande magnétique comme instrument de ralliement des contestations et la gestion de leurs réseaux  à l’heure de la révolution technologique.  L’ère post-guerre froide fut marquée par l’émergence de mouvements intégristes et de certaines obédiences terroristes, sur la scène moyen-orientale.  Alors que la Qaïda et ses structures d’initiation et d’opération furent l’objet d’un rejet évident des Establishments et de l’opinion publique,  certains mouvements fondamentalistes confortent leurs assises populaires, par le rôle qu’ils jouent dans la résistance, dans cette ère de colère arabe et de ressentiment. Mais les discours fondateurs conditionnent le projet de société qu’ils annoncent. Fait significatif, des signes précurseurs semblent annoncer des velléités de faire appliquer strictement la loi islamique, dans la bande de Gaza et d’imposer une discrimination entre les hommes et les femmes, faisant valoir la loi “du Harem”.

La contestation iranienne actuelle est servie par “ le mobile ”, ses caméras intégrées, en relation, bien entendue avec l’internet. D’autre part, les manifestations populaires ont mis en évidence  un aspect fondateur spécifique, puisque “les femmes sont en première ligne”. Le débat concerne donc le projet de société et l’ordre familial. Il faut prendre la juste mesure de cette prise de conscience et de cette émergence de la femme comme acteur important, dans le Moyen-Orient de demain.

L’air du temps révèle une mutation des instruments de communication, de la presse écrite, à la bande magnétique et au téléphone portable et un changement d’acteurs ou du moins de nouvelles répartitions de tâches.

 

 

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22 juin 2009 1 22 /06 /juin /2009 18:18

Les médias arabes ont privilégié, dans leur lecture du discours du Président Obama, adressé aux musulmans (Le Caire, 4 juin 2009), son souci d’inaugurer une nouvelle ère de partenariat entre l’Amérique et le monde musulman, de réviser l’alliance exclusive des Etats-Unis avec Israël et sa compréhension de la tragédie palestinienne. Ces aspects positifs ne sauraient être occultés. Ils annoncent une ouverture sur le Moyen-Orient, confortée par une volonté de relancer le processus de paix et de finaliser la solution des deux Etats. En dépit de sa portée, ce discours novateur suscita un débat entre ceux qui voient le verre à demi plein (affirmation du droit du peuple palestinien, prise en compte de sa tragédie et critique de l’expansion des colonies) et ceux qui voient le verre à demi vide (position équidistante entre l’agresseur et l’agressé, absence d’une formulation explicite de l’évacuation de la totalité des terres occupées, en 1967, pas de référence au Droit du retour). Concession ultime, son envoyé spécial George Mitchell a repris le concept mis en avant par l’Establishment israélien, dans le cadre des manœuvres de blocage, à savoir la définition de "l'Etat juif d'Israël". Fut-elle destinée à rassurer l’Etat hébreux, cette concession qui fait valoir un préalable, sinon un postulat, peut remettre en cause le processus.

Quelles sont les chances d’une initiative américaine de relance, alors que le Président Obama n’a pas encore révélé son plan d’action, pour imposer la finalisation du processus ? Malgré les profondes divergences entre l'administration Obama et le gouvernement Nétanyahou, George Mitchell a cherché, mardi 9 juin, lors de ses entretiens avec les responsables israéliens, à assurer l'Etat hébreu du soutien intact des Etats-Unis. Dans ce cadre, il a omis de le conditionner par le retour à la négociation, le démantèlement des colonies, la destruction du mur de l’apartheid, condition sine qua non de la normalisation.

La référence à l'initiative arabe de paix est encourageante. Notons cependant que son appréciation par le Président Obama : "un début important, mais non la fin de leurs responsabilités" suscite des inquiétudes. Est-ce à dire, qu’on annonce une demande de concessions supplémentaires au partenaire arabe, alors que son vis-à-vis campe sur ses positions. Notons cependant que la formulation de l’approche globale du Président Obama annonce un retour aux normes de l’humanisme américain qui ne peut s’accommoder de cet Etat de non-Droit. Prenons la juste mesure de cette dynamique annoncée !

Notons d’autre part, que le discours d’Obama atteste sa connaissance de l’Islam, débarrassée des faux stéréotypes, instrumentés par ses ennemis. Il cite avec pertinence des versets du Coran, qui légitime sa lecture. Il fait valoir que «l'islam tout au long de l'histoire, a donné la preuve, en mots et en actes, des possibilités de la tolérance religieuse et de l'égalité raciale». A l’appui de ces données, il enterre la doctrine du "choc des cultures", qui a fondé cette animosité et tenté de justifier la culture de la violence. Position lucide et courageuse, le Président Obama déclara que : « l'Amérique et l'islam ne s'excluent pas et qu'ils n'ont pas lieu de se faire concurrence. Bien au contraire, l'Amérique et l'islam se recoupent et se nourrissent de principes communs, à savoir la justice et le progrès, la tolérance et la dignité de chaque être humain ». En conséquence de ce diagnostic, rejetant les partis pris et les fausses vérités du Politiquement correct occidental, il déclara :  «Quand il s'agit de combattre l'extrémisme violent, l'islam ne fait pas partie du problème - il constitue une partie importante de la marche vers la paix».

Peut - être devrait-il davantage prendre en considération l’élan de progrès qui anime les élites musulmanes, qui font valoir une lecture du référentiel, tenant compte des défis du monde contemporain. Le Président Obama évoque comme un respect de la liberté de la communauté musulmane, l’autorisation du port du hijab par certaines jeunes filles musulmanes aux Etats-Unis. Cela se comprend, dans la société américaine, respectueuse des us et coutumes de ses différentes communautés. Peut être faudrait-il remarquer que "le retour au Harem", annonce plutôt des velléités conservatrices et dans certains cas intégristes. Un programme de dynamisation de l’éducation des jeunes filles musulmanes leur permettrait de s’ouvrir de nouveaux horizons et  d’assurer la formation d’une jeunesse évoluée, vivant au diapason de son temps.

En dépit de ces réflexions, qui s’expliquent par les grandes attentes de ce porte-parole de la nouvelle Amérique, qui se veut humaniste, généreuse et solidaire, le discours d’Obama au Caire annonce un véritable tournant géostratégique que nous saluons.

 

Pr. Khalifa Chater

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