Le nouveau gouvernement est, en fin formé. Les nombreuses déclarations des acteurs et les exigences des partenaires, dans le cadre des tractations, ont saturé l'espace médiatique. Les différents partis ont affirmé leurs exigences. Le comité exécutif de Nida Tounis, réuni le 31 janvier, a rappelé que sa ligne iéologique doit être au diapason des exigences de l'électorat, qui rejettent la participation - fut-elle symbolique ! - du parti an-Nahdha au gouvernement. Habib Essid devait ménager le parti qui l'a désigné, alors que la famille démocratique, en l'absence du Front Populaire ne pouvait lui assurer une majorité confortable. Comment pouvait-il traiter cette "équation difficile" ? La formation ministérielle présentée, traduit un compromis laborieux, sinon une fin de non recevoir ou presque des demandes de Nida Tounis.
La représentation politique a été élargie : Nida Tounis (7 ministres), Afaq (3 ministres), l'UPT (3 ministres), an-Nahdha (1 ministre et 3 secrétaires d'Etat). Fut-elle réduite, la participation d'an-Nahdha pose problème. Elle ébranle les rapports de forces au sein de Nida Tounis, plutôt hostile à sa participation et au parti an-Nahdha, lui-même, dont les partisans ne comprennent pas sa redimension, au sein du gouvernement. En intégrant le mouvement En-Nahdha et Afek Tounès, qui aurait pesé de tout son poids dans le deuxième round des négociations, le chef du gouvernement espère s’affranchir de l’écueil d’une légitimité contestée ou d’une courte majorité.
D'autre part, des retouches ont corrigé la première mouture, qui avait essuyé un large rejet de la part d’une grande partie la classe politique. Les éminents experts choisis, in fine, traduisent le souci d'Habib Essid d'assurer le rajeunissement de l'équipe et une participation féminine relativement importante. Certains politiciens regrettent l'écartement de grands technocrates, qui ont fait leurs preuves, dans les domaines de la défense, de la sécurité, de l'économie et de la culture. Ils notent également que l'équipe ministérielle privilégie la formation juridique, sur les autres spécialités.
Ainsi composée, l'équipe ministérielle peut être soutenue par une majorité confortable. Mais peut-on rapprocher les points de vue, de formations, qui n'ont pas de visions partagées ? Le Chef du gouvernement semble à la cherche d'une voie médiane, d'une synthèse, d'un compromis entre le programme déterminant de Nida Tounis et des alliés de la mouvance démocratique et les associés du parti islamiste. Il doit aussi adapter le libéralisme dominant aux attentes sociales. Comment concilier des orientations si différentes et pratiquement incompatibles ? Peut-il transgresser la tyranie de la cohérence ? Ce gouvernement peut-il être à la hauteur des enjeux de la conjoncture ?