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30 mai 2006 2 30 /05 /mai /2006 12:32

Comment analyser l’actualité politique française et « l’escalade », qui affecte, à  un an du scrutin présidentiel, qui semble « doper » les candidats déclarés ou tacites, sinon l’ensemble des acteurs, dans les différentes mouvances politiques françaises ? Le feuilleton de Clearstream éclabousserait le sommet de l’Etat, en révélant les dissensions entre les dirigeants de l’establishment français (gouvernement et UMP). Au-delà des poursuites judiciaires et des perquisitions auxquelles elles ont donné lieu, dans certains ministères et des interrogatoires qui s’en suivirent d’hommes importants du pouvoir et des renseignements, Clearstream rendait public le duel préélectoral entre le Premier Ministre Dominique Villepin  et Nicolas Sarkozy, ministre de l’intérieur et Président de l’UMP. Amplifiée par la rumeur publique,  la lutte n’épargnait guère le chef de l’Etat, re-actualisant le contentieux d’une campagne électorale précédente.

 

Fait significatif, le désintérêt d'une majorité de Français pour l’affaire, qui "reste extraordinairement complexe et totalement éloignée de leurs préoccupations", comme le souligne le directeur d’un institut de sondage, redonne à l’événement sa juste dimension. S’agit-il de simples incidents de parcours ?  La lecture des sondages récents privilégie cette  appréciation, qui sous-dimensionne le fait ou plutôt son impact électoral. Il ne s’agit certes pas, d’un séisme géopolitique. Mais l’analyste averti doit toujours rester à l’écoute des mutations des perceptions politiques, sinon idéologiques, des changements d’humeur des corps électoraux, de l’action des lobbies et des nombreux ingrédients qui affectent les sensibilités politiques. 

 

D’autres événements majeurs, le « non » à la constitution européenne (29 mai 2005), les émeutes des banlieues (novembre 2005) et le rejet par les jeunes du CPE, le contrat première embauche (février - avril 2006), qui ont ébranlé la scène politique française, constituent des repères décisifs de la géopolitique française. L’analyse des raisons profondes et immédiates, montre que les trois événements, qui font valoir nécessairement une approche globale, se rejoignent dans leurs dimensions socio-politiques. Le non à la constitution exprime des inquiétudes d’une population sujette au chômage. Fait révélateur d’un certain état d’esprit, elle parait disposée, sous l’effet  des mouvements extrémistes et des politiciens qui les ménagent, à prendre comme boucs émissaires les immigrés tous azimuts et à s’alarmer d’une éventuelle entrée de la Turquie dans l’Union Européenne. Les émeutes des banlieues - phénomène spontané d’après de sérieux analystes - expriment le ras de bol  des minorités issues de l’immigration. Le rejet du CPE traduit une prise de conscience du danger de la précarité.

 

Or, les microcosmes politiques, droite et gauche réunies, ne semblent pas avoir pris la juste mesure de la crise sociale et politique. La prise en compte de leurs enjeux électoraux explique, dans certains cas, la priorité qu’ils accordent à ménager les mouvements d’humeur d’une opinion, sous l’effet de certains discours de l’extrême droite, prompt à exploiter et à instrumentaliser l’inquiétude sociale. Cette adaptation des programmes aux humeurs de la rue, aux mépris de débats réels, dans le cadre d’une philosophie de vie et d’une vision critique, ne permet pas de conjurer les dangers d’une éventuelle dérive. Des velléités de reconstruction d’une majorité, plus en symbiose avec le discours d’ostracisme et d’exclusion semblent se dessiner dans l’horizon, aux mépris du référentiel français. Mais la classe politique française est certainement en mesure de redresser la barre,  dans le cadre du respect de ses normes, éprouvées par une longue expérience historique.

 

Khalifa Chater

 

(Tunis, 26 mai 2006)

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