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5 juin 2006 1 05 /06 /juin /2006 17:47

« Entre Washington et Téhéran, la poste fonctionne ». Ainsi saluait, le 1er juin dernier, Alain Campiotti, rédacteur au journal suisse, Le Temps, l’envoi, le 8 mai, par Mahmoud Ahmadinejad, le Président de la République iranienne d’une lettre de 18 pages au Président américain,  George Bush. Après une déclaration immédiate de non-réponse du destinataire à son protagoniste, « le courrier est parti dans l’autre sens », Condoleezza Rice, la secrétaire d’Etat aux Affaires étrangères américaine, ayant annoncé, le 31 mai, que les Etats-Unis sont désormais prêts à se joindre aux négociations entre les Européens et l’Iran, transgressant ainsi la décision américaine de ne point négocier directement avec la République islamique. Faut-il accorder de l’importance aux postulats conditionnels mis en avant par l’Iran et les Etats-Unis. Pour ménager leurs opinions publiques, expliquer une révision de politique de cette envergure, les acteurs ne peuvent occulter facilement les référentiels de leurs contentieux et leurs culpabilisations réciproques. Certes, l’Iran et les USA assortissent l’ouverture de leurs dialogues de conditions Sine Qua None, relatives à la suspension des activités d'enrichissement d'uranium, tout en rejetant toutes conditions préalables. « Le virage » est, en effet,  difficile à prendre. Mais, les deux partenaires en se plaçent déjà dans une position de négociation.

Il faudrait donc prendre la juste mesure de l’événement. Depuis l’accès au pouvoir de Khomeini et la prise comme otage des membres de l’ambassade américaine à Téhéran, qui s’en suivit, il y a déjà vingt cinq ans, les relations américano-iraniennes étaient conflictuelles. C’est le moins qu’on puisse dire. Les deux Etats se diabolisaient avec véhémence. L’élection du Président Khatimi a été une éclaircie de courte durée, sans effet notable sur le cours des événements. La marge de manœuvre d’un réformateur modéré - modéré dans sa politique, mais fait plus important modéré dans conception des réformes - ne pouvait que susciter des malentendus et alimenter des surenchères, puisque le président de la République iranienne est soumis à l’autorité du Guide suprême,  responsable de la supervision des "politiques générales de la République islamique d'Iran". La nouvelle  conjoncture politique iranienne qui réalise désormais la symbiose entre le guide et le président, est plus à même d’assumer les choix, sans craindre des démentis, des critiques ou des mises en cause, à l’exception des partages diplomatiques de rôles que s’assignent, d’un commun accord, les acteurs.  Aux Etats-Unis, l’opinion publique ne pouvait que s’accommoder d’une modération de la stratégie américaine, révisant l’option guerrière, mise à rude épreuve par les guerres d’Afghanistan et d’Irak. Une « paix des braves » ne pouvait que faire le bonheur de tous et en premiers lieux des peuples américains et iraniens.

Le fossé est cependant très grand entre les discours fondateurs des deux protagonistes et la lecture différentielle des questions d’actualités, au Moyen-Orient, dans le Golfe et les républiques asiatiques de l’ex-URSS. L’Iran conteste évidemment la politique américaine du « Grand Moyen Orient » et voit d’un mauvais oeil l’occupation de l’Irak et les effets de la diplomatie pétrolière. Pour les USA, son contentieux avec le régime iranien est désormais focalisé par la décision annoncée du Président Ahmadinejad d’entrer dans le concert des puissances nucléaires, ne fut-ce qu’en limitant les ambitions du pays à son usage civil et énergétique. Les Etats-Unis et les pays européens membres permanents du Conseil de Sécurité, rejoints par l’Allemagne s’opposent à  la politique nucléaire iranienne, estimant qu’elle constitue une menace. Mais des arguments objectifs militent pour une sortie de crise et peut être, pourquoi pas, un rapprochement des points de vue. L’Irak est un enjeu stratégique, pour les deux pays, à savoir les USA et l’Iran. Le problème du ravitaillement pétrolier,  ainsi que la définition d’un nouvel ordre, sinon la restructuration des alliances favoriserait la mise en œuvre d’une politique de coexistence sinon de coopération. Qui peut se permettre d’ignorer les importants acteurs sur le terrain, dans cette conjoncture de montée des périls !

Il faut donc concilier, pour conjurer les démons guerriers, prévenir de nouvelles tragédies humaines, les positions qui semblent, à priori, irréductibles. Est-ce que la mise sur pied d’une coopération, pour l’utilisation de l’énergie nucléaire par l’Iran, sous l’égide de l’ONU, par exemple, est en mesure de résoudre la question ? Quand au danger de la prolifération, ne peut-il as être  écarté par une « dénuclérisation de l’ensemble de l’aire moyen-orientale, mesure qui accréditerait l’Establishment onusien et les membres occidentaux du Conseil de Sécurité, en démentant, par les actes, la « politique de deux poids, deux mesures ». Une telle politique serait confortée par un traitement courageux de la question palestinienne, pour créer un climat d’apaisement général, au profit de tous.

L’amorce d’une reprise du dialogue, sinon d’une désescalade, nous incite à faire un rêve, pour construire le Moyen-Orient de la paix, de la lucidité et de l’entente. Nous ne sommes, certes, qu’au début d’un chemin, qui reste parsemé d’embûches. Mais si le rêve, en dépit de tout, pouvait se réaliser ! L’humanité retrouverait alors, par ce retour aux normes, son humanisme.

 

 

Professeur Khalifa Chater

Vice-Président de l’Association

 

 

des Etudes Internationales Tunis

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