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10 octobre 2013 4 10 /10 /octobre /2013 10:12

Comment réagir à la tragédie de Lampedusa,  le naufrage d'un bateau de migrants qui a fait environ 300 morts jeudi dernier près de l'île? Le bateau transportait quelque 500 migrants, en provenance de la Corne de l'Afrique. Devrait-on mettre l'événement sur le compte des profits et profit de la géopolitique, des relations asymétriques entre les rivages de la Méditerranée ? Ces voyageurs de la misère ont investi l'épargne familiale pour gagner le paradis de leurs rêves.  Chômage, médiocres conditions de vie et surtout absence de perspectives d'avenir, pouvaient-ils transgresser leur horizon ! Face à la forteresse Europe, leur échec était inscrit, dans les règles de la bonne gouvernance euro-méditerranéenne. La diplomatie au service de la fatalité, responsable des tragédies récurrentes. La pesanteur  des rapports sociaux nationaux et internationaux mettaient fin à l'aventure. Ces hommes qui aimaient la vie et voulaient changer leur sort étaient prédestinés pour mourir.

 Avaient-ils réalisé que la mondialisation s'accommodait du recule de la solidarité humaniste…! Depuis le début de l'année, environ 30.100 migrants ont atteint les côtes italiennes, dont 7.500 qui fuyaient la guerre en Syrie, 7.500 l'oppression politique en Erythrée et 3.000 la violence en Somalie (déclaration de Barbara Molinario, porte-parole du HCR, le  Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés).

Choqué par l'ampleur de la tragédie, le pape a effectué, lundi 7 octobre,  une visite sans précédent à Lampedusa pour «pleurer» la mort de ces migrants venus d'Afriqueen quête d'une vie meilleure. Pouvait-il sensibiliser l'opinion occidentale au sort de ces milliers de réfugiés et encourager les pays d'accueil à leur fournir une protection et à garantir leurs droits. Le drame a certes, provoqué une vive émotion en Italie, où une journée de deuil national a été respectée vendredi. Un mouvement similaire de solidarité s'est exprimé en Europe. Mais ne faut-il pas transgresser ces vœux pieux ? L'heure est désormais au questionnement: L'Europe doit-elle faciliter l'arrivée de migrants, ou se refermer sur elle-même ? Prudence diplomatique, peur de l'engagement, car l'indifférence est hors de question, le silence des acteurs du Sud est inquiétant. Réaction d'un observateur utopique : "Ne faudrait-il pas, pour assurer la dynamisation du partenariat euromed, songer à transférer le siège de l'Union pour la Méditerranée, de Barcelone à  Lampedusa, haut lieu de l'affrontement des conditions de vie de part et d'autre de la Méditerranée".

Khalifa  Chater

(site l'économiste maghrébin, 10 octobre 2013)

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11 juillet 2013 4 11 /07 /juillet /2013 18:02

“Clara, je t'ai dit ce que j'ai dit et j'ai oublié ce que j'avais l'intention de te dire… Quant à toi, je  ne peux pas t'inviter aux plages de mon pays, cette année. Ne me demande pas d'explication. Je ne peux divulguer les secrets de mon pays, qui hélas, ne constituent plus un secret…Au revoir Clara. Je retourne (à mon pays) pour nettoyer la mer de l'ignorance sacrée” (Oulad Ahmed, de la direction poétique de la révolution tunisienne, 22 juin 2012, in Le Maghreb du 15 juillet 2012, traduction personnelle du texte original arabe).

J'ai cité ce texte qui atteste le développement de l'opposition des paradigmes, dans cette conjoncture de clivage identitaire. Est-ce que la Méditerranée risque de s'ériger en "muraille" effective entre l'Europe et le Maghreb ? Nous ne le pensons pas. Le processus de Barcelone a redéfini les enjeux de la coopération de part et d'autre de la Méditerranée.  La politique de voisinage a établi une coopération bilatérale. L'Union pour la Méditerranée qui fait valoir une coopération ponctuelle, inaugure son action. De fait, le passage de la coexistence, au partenariat euro-méditerranéen par l'idéaltype de Barcelone n'a pas réussi à s'inscrire sur le terrain. Il est désormais à l'épreuve de la nouvelle donne géopolitique. Or, le "printemps arabe" et sa mutation islamique ont suscité des changements du paysage politique. En Tunisie, les mutations géostratégiques, le changement de paradigmes depuis le "printemps arabe" et, en conséquence, la prise de pouvoir de nouvelles élites, dirigeant l'appareil d'Etat, suscitent un nécessairement changement d'attitude vis-vis de l'Europe. Ils font valoir deux termes irréductibles de la nouvelle équation stratégique : le refus idéologique et la prise en compte de la nécessité économique.

L'enjeu idéologique : Nouveau paysage politique et culturel, les nouveaux acteurs et les nouveaux leaders d'opinion (prédicateurs, imams et salafites) se distinguent par leurs positions de principe, érigés en postulats, qui déterminent leurs comportements sur le terrain.  Cas limite, certains groupuscules salafites, et bien entendu  les jihadistes; prêchent la guerre sainte. Fussent-ils marginaux dans le paysage politique maghrébin, ils sont des acteurs actifs, dont on ne doit pas sous-estimer la capacité contestataire. Prenons la juste mesure de l'énonciation, comme postulat, de la trinité "califat, ommah, kufar (l'impiété)".  Le discours du parti majoritaire exprime des postions modérées, par rapport aux attitudes absolues, dans les marges. On évoque volontiers "une démocratie musulmane" où la souveraineté de Dieu et celle du peuple ne s'excluent pas. Mais il y aurait, vraisemblablement des agendas out ground, que les rapports de forces actuels ne permettent pas d'expliciter.

Est-ce que l'argumentaire idéologique des nouveaux acteurs et l'identification des enjeux prioritaires  qu'ils font valoir sont favorables à l'établissement d'un partenariat solidaire avec l'Union Européenne ? Ils marqueraient des préférences évidentes pour une déconnexion, un éloignement, sinon une rupture. Dans cette conjoncture de bipolarisation idéologique, l'opposition démocratique défend l'ouverture, le développement des relations avec l'Europe et parfois l'engagement dans un partenariat. Mais les nouveaux acteurs expriment volontiers des méfiances.

L'enjeu économique : L'Establishments tunisien  a le regard dirigé vers le Levant,  les pays du Golfe et principalement vers Qatar et désormais vers la Turquie. En application de leur option idéologique, les nouveaux pouvoirs préconisent, dans les meilleurs des cas une coexistence, au mieux des relations apaisées, permettant un développement des échanges, avec l'Europe. Et pourtant, l'enjeu économique invite les Establishments maghrébins, à effectuer un retour à la politique d'association avec l'Europe, par  nécessité économique.

Par sa proximité avec l’Europe, par l'importance de ses échanges avec l'U.E. fussent-ils asymétriques, la Tunisie doit poursuivre et développer ces relations vitales. Le paradigme dominant et la grille de valeurs qu'il sous-tend  sont à l'épreuve du choc des nécessités. Au-delà des affinités idéologiques, les impératifs économiques et politiques exigent la prise en compte du partenariat avec l'Europe. L'attitude de raison explique l'adoption d'une politique de continuité, confortée par une annonce de développement des relations économiques, en relation avec la recherche d'investissements et la nécessité de sauvegarder les échanges et essentiellement les exportations, avec les clients traditionnels. Un "décrochage" est donc impossible et inenvisageable. Les centres d'intérêts transgressent les états d'âme, alors que la Tunisie  a besoin d'appui, lors de cette ère post-révolution, pour reconstruire son économie et faire face aux défis sociaux et politiques. Mais est-ce par hasard que l'adoption d'un partenariat privilégié, longtemps attendu, n'a pas suscité des réactions d'enthousiasme.

Les attentes tunisiennes sont importantes. Elles mettent en avant la nécessité d'étendre les libres échanges aux produits agricoles et industriels, aux services et aux personnes. L'afflux des émigrants clandestins vers l'Europe est significatif. D'autre part, l'opinion publique évoque la question des visas. Les Establishments tunisiens rappellent volontiers leurs demandes d'une politique de co-développement, de part et d'autre de la Méditerranée. Quel serait le contenu du "partenariat privilégié" ? Les annonces évoquaient un développement global des relations, à l'exception de  l'adhésion", que la Tunisie n'a pas d'ailleurs demandé. Peut-il répondre aux défis de l'aire, sinon mettre au programme un "plan Marshal", que les difficultés européennes ne permettent pas actuellement d'envisager.

Conclusion : Il faudrait agir au-delà de la pesanteur de la conjoncture et ne pas perdre de vue les perspectives d'avenir, avec leurs processus d'évolution, d'alternance des pouvoirs et des redéfinitions des enjeux, en conséquences.  Dans de nouveaux contextes, une prise en compte des intérêts pourrait faire pencher la balance, établir une nouvelle équation stratégique, en faveur d'une ouverture européenne de part et d'autre de la Méditerranée et pour quoi pas l'édification d'un partenariat de solidarité. "Wait and see", estiment  les partenaires du Nord et du Sud, dans ce contexte peu favorable aux compromis historiques.

Pr.  Khalifa Chater

  

 

 

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25 février 2011 5 25 /02 /février /2011 09:25

L’Annuaire encyclopédique,  IEMed de la Méditerranée, 1910, qui vient d’être publié, est une œuvre magistrale, fort précieuse pour faire le bilan du partenariat euro- méditerranéen.  Rassemblant 63 spécialistes éminents, elle  transgresse le simple diagnostic, puisqu’elle présente un état des lieux, identifie les pesanteurs, les conditions sine qua none, dans certains cas, et évalue les scénarios d’avenir, en relation avec les attentes des populations de l’aire. Encore une fois, l’Iemed fait œuvre utile, sous la direction de l’ambassadeur Senen Florensa, grand expert de la Méditerranée et grand connaisseur du Maghreb. Signalons, que ce directeur du projet a voulu éviter tout discours politiquement correct, tout langage de bois, pour engager les auteurs à ouvrir le débat, susciter les controverses, présenter la diversité de leurs opinions et conjuguer une approche multidisciplinaire fort pertinente.

Dans sa préface, Senen Florensa, le Directeur Général de l’Iemed montre la voie. Il reconnaît courageusement que le blocage du processus de paix, qu’il explique diplomatiquement par ‘‘les faits des dynamiques internes’’, a constitué une ‘‘impasse qui a particulièrement entravé le déploiement institutionnel’’ de ‘‘L’Union pour la Méditerranée : processus de Barcelone’’. Nous relevons aussi  l’intérêt prioritaire, qu’il accorde dans sa vision globale du projet, à ces deux facteurs : l’emploi et l’investissement, qui dit-il, à juste titre ‘‘conditionneront la capacité, à longs termes de la région à surmonter une crise, qui pénalise les pays méditerranéens, à des rythmes divers’’. De ce point de vue, Senen Florensa occulte les priorités sécuritaires et anti-migratoires, qui ont marqué le discours des partenaires européens

L’étude de l’environnement du partenariat  a été traitée, comme une donne de réalisme politique, le constat d’un état de fait, d’un jeu d’acteurs : L’examen de l’interférence de la politique étrangère américaine est pris en considération et traité par Stuart E. Eisenstadt, l’auteur du projet du partenariat américain avec le Maghreb. Eugenio Bregolat Obios, identifie l’influence de la Chine, dans l’aire et fait valoir la nécessité pour les pays riches de  l’Union Européenne, ‘‘d’offrir de meilleures conditions, que la Chine, en commençant par ouvrir leurs marchés agricoles’’. Sans être ignorée ou surévaluée, le traitement de l’impact de l’Iran sur l’aire méditerranéenne tient compte de l’appréciation différentielle des deux rives et affirme, en conclusion solennelle: ‘‘Aujourd’hui plus que jamais, l’UE doit faire preuve de cohérence à la table des négociations internationales car la majeure partie du nouvel ordre naissant prend formes aux portes de la région euro-méditerranéenne’’ (approche d’Anoushiravan Ehteshani). Nous souscrivons à cet appel, qui aurait dû aborder le débat sur les différences de vision du danger nucléaire des différents acteurs de la région.

Constat de consensus des auteurs, l’œuvre collective fait valoir que la Méditerranée est une priorité absolue pour l’Europe. Prenons la juste mesure de ce constat, une évidence pour les observateurs du Sud, qui regrettent qu’une aile dominante de l’U.E. privilégie l’axe oriental et considère le Sud, comme simple périphérie. Nous ne nous attarderons pas sur les papiers biens judicieux, consacrés aux effets de la crise économique. Nous y reviendrons, lors de l’examen des effets complexes de l’ouverture commerciale, de la rupture de certains équilibres fondateurs, et des rapports économiques asymétriques. L’étude des relations Israël-Palestine était unilatérale. Elle a été heureusement compensée par Antonio Segura, qui a rappelé des données  significatives oubliées   par le premier auteur : le rapport Goldstone, la crise de la flottille de paix, le dommage collatéral sur l’UPM.

Le thème essentiel, l’UPM, a été traité par Senen Florensa, ‘‘militant’’ de la cause euro- méditerranéenne. Tout en présentant les bénéfices attendu de l’élan actuellement insuffisamment dynamisé, dans le contexte du blocus du processus de paix, en faisant valoir les projets pertinents mis en œuvre, il remarque, que ‘‘cette obsession des six projets d’envergure risque de nous amener à oublier la vision globale du partenariat’’. Partageant ces vues, nous estimons que l’UPM doit se redéfinir, pour mettre à l’ordre du jour une vision globale, un programme ambitieux de co-développement et de solidarité, développant le partenariat dans ses différents axes. Nous y reviendrons pour examiner les conditions du dépassement du statut actuel de ‘‘l’UPM, processus de Barcelone’’. Ce qui nécessitera de  surdimensionner ses ambitions.

 

Pr. Khalifa Chater

 

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3 février 2009 2 03 /02 /février /2009 13:29

La refondation du processus de Barcelone, par l’Union pour la Méditerranée, fut mise à la rude épreuve par l’agression contre Gaza. L’initiative française de créer l’Union de la Méditerranée - fut-elle redimensionnée par l’Union Européenne - apparaissait comme une gageure, dans la mesure où elle intégrait, dans un partenariat régional pour la paix, un Etat occupant des territoires de trois partenaires de l’Union envisagée et confortait sa politique coloniale, par une "pacification", usant tous les moyens de dissuasion et tous les ingrédients du terrorisme d’Etat. Cette situation d’évidence ne pouvait être occultée. La guerre  contre Gaza et les atrocités commises remettaient en cause le discours de partenariat et de coopération.

Un traitement de faveur injustifié : L’analyse des accords de l’Union Européenne avec ses partenaires du Sud révélait les avantages supplémentaires accordées à Israël, qu’on semblait considérer comme un prolongement humain et stratégique de l’Europe. Une politique de tolérance fermait volontiers les yeux de certains de ses acteurs et de la plupart de ses médias et tentait d’orienter, avec plus ou moins de bonheur, ses opinions publiques. Nous remarquerons heureusement, que la conscience humanitaire européenne parvenait souvent à transgresser ce "politiquement correcte", contraire au patrimoine de l’éthique, des Droits et de la citoyenneté responsable. La remise en question de l’indulgence vis-à-vis de l’occupant n’était pas à l’ordre du jour. Qu’on se rappelle le statut privilégié que l’Union Européenne lui a réservé, à la veille de l’invasion de Gaza. Conforté par ce statut d’exception, se sachant impuni, il engagea sa guerre, à la veille de la prise du pouvoir par le nouveau président Obama, dont le discours de campagne annonçait l’application d’un paradigme nouveau, un itinéraire à baliser, pour la paix et la liberté.

Gaza et l’après Gaza :  Tentant de combler "le vide américain", le Président Sarkozy s’est investi, lors de la guerre, comme intermédiaire pour obtenir un cessez le feu. Ses voyages éclairs, sa mobilisation de la troïka européenne, ses concertations avec l’Egypte ont permis d’assurer une présence certes bénéfique sur la scène moyen orientale, mais qui n’a pas pu obtenir l’arrêt de l’agression. D’autre part, l’Union Européenne n’a pas réussi à redéfinir et à re-actualiser, par une prise en compte de la nouvelle conjoncture, la politique traditionnelle qu’elle appliquait dans le traitement du conflit israélo-palestinien. Son adoption, comme postulat, des "alibis" d’Israël et de sa lecture de l’événement comme "guerre contre Hamas", alors qu’il s’agissait bel et bien d’une agression contre la population palestinienne, en vue de consacrer le démembrement de l’Etat à construire,  rendaient son  approche ambiguë. D’autre part, le traitement de la résistance, pourtant légitimée par l’occupation, comme "fait de terrorisme", ne pouvait que surprendre lorsqu’il provient d’une aire bel et bien libérée du pouvoir nazi, par la résistance populaire. Une analyse lucide devrait néanmoins avertir les observateurs que les "espoirs brisés" étaient bien propices aux dérives néfastes pour tous. Ce grand risque n’est pas à dédaigner !

L’offre des pays européens, d’assurer la surveillance maritime de la région au profit d’Israël, "pour arrêter la contrebande des armes vers Gaza" prenait à son compte les alibis de l’Establishment israélien, empiétait la souveraineté des pays de la région et assurait de fait une gestion asymétrique des zones maritimes, dans la région. Une politique égalitaire, à l’instar de celle adoptée par le général de Gaulle, qui arrêterait le ravitaillement en armes de l’Etat belligérant, serait plus appropriée et plus crédible.

Conclusion :  En dépit de sa volonté de participer activement au traitement de la question palestinienne et de sa mobilisation pour les reconstructions périodiques des infrastructures démolies constamment par l’occupant, l’Union Européenne reste un acteur secondaire au Moyen Orient. La poursuite de sa politique traditionnelle, plus favorable à la gestion du conflit qu’à son traitement, n’est pas en mesure de changer la donne. Nous pensons plutôt, en adoptant les conclusions de Michael Emerson que «la crise de Gaza réclame une révision importante de la politique d'UE envers le conflit Israël-Palestine». La position de l’Union Européenne ne peut être en deçà de l’approche du nouveau pouvoir américain, qui adopte de nouveaux paradigmes de relations internationales.  Cette prise de distance par rapport à la carte géopolitique des alliances doit être soutenue et mise en œuvre pour instituer une nouvelle stratégie de sortie de crise et un règlement définitif, assurant la "normalisation" des relations entre les peuples de la région. Les options militaires, attestées par la guerre  contre Gaza, mettent hors de piste de l’UPM, son auteur. Elles bloquent, hélas, la construction de cette aire euro - méditerranéenne… A  à moins que l’UPM n’institue, comme priorité, la résolution de ce conflit qui a trop duré et qui conditionne l’établissement des rapports normaux entre tous les partenaires de son espace.

L’assainissement de l’environnement doit précéder la réalisation des programmes de coopérations à l’échelle de l’UPM. Il ne faut pas attendre un quelconque concours de circonstances. L’affirmation d’une volonté de l’Union Européenne, conforme à  son discours fondateur doit avoir comme objectif de forcer le destin et de reconstruire les nouvelles fondations de l’aire de coopération souhaitée. Peut-on compter sur une mobilisation générale de tous les hommes épris de paix, sans restrictive, dans l’ensemble de notre espace euro-méditerranéen ?



Profeseur Khalifa Chater

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- Michael Emerson,  Editorial : "Just Monitoring Crises" in CEPS European Neighbourhood Watch 45).

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15 novembre 2008 6 15 /11 /novembre /2008 09:05
Il est intéressant d’esquisser un bilan de la mise en perspective générale de la création de la nouvelle instance « l’Union pour la Méditerranée », depuis son sommet fondateur, le 13 juillet, à Paris, jusqu’à la réunion ministérielle de Marseille (3 - 4 novembre 2008), chargée de finaliser le projet et de mettre sur pied ses institutions et ses programmes. Cette nouvelle instance est à l’épreuve des faits. Elle a l’ambition d’aller au delà du processus de Barcelone. Elle propose l’institution d’un véritable leadership euro-méditerranéen, par une « appropriation » commune du projet et fait valoir la centralité de la Méditerranée, dans l’établissement des nouveaux rapports euro-méditerranéens. Est-ce qu’on est en mesure d’assurer à l’UPM les conditions nécessaires pour assurer cette «transgression», si attendue du processus de Barcelone? Ne risque-t- elle pas, de connaître les blocages qui ont ralenti le processus de Barcelone, limité ses ambitions et réduit ses programmes ? J’évoquerai le climat de tension au Moyen-Orient, mais aussi la compétition entre les partisans européens des aires de la Méditerranée, de l’Europe de l’Est et de l’outre-atlantique. Est-ce que l’institution créée peut disposer des conditions que requièrent son autonomie de décision et de gestion et d’avoir nécessairement un budget propre, en relation avec l’ampleur de la mission. Ces conditions n’ont pas été remplies dans le cas du processus de Barcelone. D’autre part, est-ce que le processus engagé est en mesure de mettre à l’ordre du jour une révision de la nature des relations, pour ériger un véritable partenariat ? Ne risque-t- on pas, au contraire, de s’en tenir au statu quo de vigueur, se contentant, au mieux, d’introduire des aménagements secondaires, dans le cadre de rapports de voisinage, mais sans concessions majeures. L’étude des programmes futurs de l’UPM - qui retrouve son appellation initiale, en contrepartie du choix de Barcelone comme siège -, et l’évaluation des ambitions du nouveau partenariat, permettraient de répondre à ces question. Observations relatives à la mise en oeuvre : A ce stade, nous devons cependant remarquer : 1- que l’UPM, dont le Sommet fondateur fut une réussite, par l’ampleur de la participation, l’ambition de sa déclaration et la prise en compte des enjeux politiques, économiques, sociaux et environnementaux de l’aire, a été déclassé comme priorité, par la grave crise économique, qui incite les acteurs européens à se tourner plutôt vers la gestion de la crise. 2- Progressive nécessairement, la remise en oeuvre du projet doit attendre la création des institutions. En dépit du compromis sur le choix de Barcelone, comme siège et des arrangements diplomatiques sur la répartition des charges de secrétaires généraux adjoints, le fonctionnement de l’UPM débutera effectivement, après le choix d’un Secrétaire général, dans un contexte de reconstruction d’un compromis Nord/Sud et Machrek/Maghreb, puisque le Secrétariat doit être choisi du Sud, en contrepartie du choix européen du siège. 3 - En dépit de ces accords, le Conseil des ministres de Marseille (3 - 4 novembre 2008) n’a pas réalisé le consensus général de tous les acteurs de l’aire. Des réserves ont été exprimées, avant et pendant cette dernière assise et n’oublions pas des non-dits éloquents. Le leadership euro-méditerranéen ne peut s’accommoder d’accords ponctuels et des programmes à géométrie variable, n’engageant pas, par conséquent, l’ensemble de la communauté. Il faut cependant remarquer que l’action internationale se réalise souvent par la construction de compromis successifs. 4 - Le programme entériné, pour la phase de démarrage, est bel et bien en-deça des attentes, en dépit de la pertinence des projets identifiés. Ces accords minima n’appréhendent pas les préoccupations des populations de l’aire. Dans ces conditions, ils ne peuvent pas faciliter leur adhésion. Pourraient-ils contribuer à transgresser «le mur de la méditerranée» ? 5 - Une approche optimiste permettrait, cependant, de faire le pari sur la démarche progressive, par étapes et sur les effets d’entraînement de la dynamique. Mais n’oublions pas que les enjeux de l’aire - certains diraient les situations d’urgences - requièrent des traitements rapides et des solutions globales, en relation avec l’identification de nouvelles perspectives et de nouvelles visions. Conclusion : Le sommet fondateur de Paris (13 juillet 2008) et les réunions ministérielles qui l’ont suivi ont permis de prendre acte des approches différentielles de ses acteurs. Nous pouvons même dire que l’immense intérêt manifesté par certains pays sud-méditerranéens s’est, dans une certaine mesure relâché, vu la redimension du projet par souci de compromis, l’idealtypus de la Méditerranée, «zone de paix et de développement» devenant un voeux pieux. Notons, cependant, que la dynamique mise en marche est en mesure d’ouvrir des horizons, de transgresser la pesanteur géopolitique actuelle, d’engager les remises en question nécessaires. Nous disons en conclusion que les leçons de Barcelone, - objet jadis d’un véritable enthousiasme - doivent nous inciter à voir en grand, à opter pour des projets globaux, à réviser les stratégies d’alliances, de coopération, de concertation et de co-développement. Facteur positif à prendre en compte, la nouvelle instance met sur pied un nouveau cadre d’action, identifie une nouvelle démarche et oriente ses acteurs vers une nouvelle stratégie. Prenons la mesure des nouvelles donnes et défis qui nous concernent tous de part et d’autre de la Méditerranée.
Professeur Khalifa Chater
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22 juillet 2008 2 22 /07 /juillet /2008 11:36

« Processus de Barcelone : l’Union pour la Méditerranée », projet d’avenir ou projet mort-né ?
 

Avis du Professeur Khalifa Chater


Question : De quelle manière est perçu, dans votre pays, le projet « Processus de Barcelone : Union pour la Méditerranée », à la fois par l’opinion publique et par les autorités officielles ?

Réponse : L’opinion publique et les autorités ont bien accueilli le projet. On souhaite que ce projet réponde aux enjeux et aux défis de l’aire par la constitution d’une communauté fondée sur la paix, la solidarité et la prospérité. Une participation active aux instances préparatoires et à la réunion du 13 juillet permettrait, je l’espère, l’appropriation collective du projet et son enrichissement, par la prise en compte des priorités des pays sud-méditerranéens. Il s’agit de construire le compromis fondateur, condition  sine qua none de sa réussite.

Pour la jeunesse tunisienne, la réalisation d’un tel partenariat et l’ouverture de l’horizon qu’il implique, semblent répondre aux attentes. Rêve ou utopie, elle met en avant la nécessité de la libre circulation des personnes et la suppression du mur méditerranéen.

Question : Considérez-vous que ce projet est en mesure, véritablement, d’apporter du nouveau à la problématique et aux méthodes envisagées lors des initiatives similaires précédentes, notamment  le processus de Barcelone ?

Réponse : Le projet se fonde sur une appréciation lucide des résultats modestes du processus de Barcelone, de l’abandon de son approche multilatérale dans «la politique de voisinage » et de l’occultation des dimensions socio-économiques, géopolitiques et culturelles du partenariat. Ce diagnostique originel, qui réhabilite les partenaires du sud et évoque, en conséquence, une redynamisation des processus de solidarité, a suscité de l’intérêt et de l’enthousiasme. La définition collective des enjeux et des objectifs au cours d’un sommet fondateur, - un postulat faisant valoir la multipolarité - doit prendre en compte les exigences citoyennes de tous. Espérons cependant que les concessions de la genèse : recherche coûte que coûte du compromis, élargissement du périmètre, exclusion des questions d’actualité, ne réduisent pas les enjeux et les ambitions de ce projet historique. Sachons garantir cette mue du rêve en réalité, fut-elle le résultat d’un processus progressif.

Question : L’Union pour la Méditerranée sera, fatalement, confrontée aux conflits qui essaiment dans la région, conflit du Sahara Occidental, conflit de Chypre, conflit israélo-palestinien. L’Union doit-elle aborder ces conflits ou, plutôt, les contourner ?

Réponse : On ne peut occulter la donne politique dans un projet de cette envergure. Comment créer une communauté de prospérité, de coopération et de solidarité, sans assurer un climat de paix ? Il faudrait peut être inaugurer la mise sur pied de ce processus par la création, dans le cadre de ce partenariat, d’un comité ad hoc pour faire valoir des solutions aux conflits et différends, traiter les questions graves de l’aire telles que la question palestinienne.  Faut-il négliger cette conditionnalité de la réussite.

Question : Quels sont les chantiers majeurs que peut ouvrir le projet « l’Union pour la Méditerranée »? Quelles mesures de sauvegarde envisager pour que s’assurer que la démarche profite équitablement à toutes les parties au projet ?

Réponse: L’élargissement du projet - il rassemblerait désormais 44 pays riverains de la Méditerranée et de l'Adriatique -, peut assurer, la réussite du processus. Il permettrait à l’Union Européenne de le doter d’importants financements communautaires, tout en sauvegardant sa direction paritaire Nord/Sud. Notons cependant que l’Union Européenne fait défection, en matière de financement. "Les projets régionaux ne peuvent être mis en œuvre au détriment de nos budgets existants", a insisté la commissaire de l’UE, souhaitant privilégier le recours à des fonds privés, des fonds d'Etats, membres ou non de l'Union, ou encore aux institutions financières internationales. Les partisans d’un plan Marshal européen, dans le cadre d’une solidarité communautaire ne peuvent qu’être déçus.

D’autre part, la formulation des projets phares de l’UPM, par l’U.E. : Autoroute du Maghreb, dépollution de la Méditerranée, développement de l'énergie solaire, coopération en matière de protection civile contre les catastrophes montre l’intérêt qu’elle porte au projet. Mais n’aurait-il pas fallu associer les pays sud-méditerranéens à la formulation des projets prioritaires. Notons d’autre part, que ces projets n’ont pas l’ambition de participer au traitement de la question préoccupante de l’emploi, à la fracture socio-économique méditerranéenne, à l’échange inégal et qu’ils occultent toute politique de co-développement.

Question : Dans le même esprit, quelles sont les conditions à réunir pour garantir une équité parfaite dans la gestion institutionnelle de « l’Union pour la Méditerranée » ?

Réponse : La définition des projets génériques de l’UPM et la velléité de remise en cause du siège dans un pays du Sud, par l’installation parallèle d’un "comité de direction", basé à Bruxelles, attestent une volonté de l’U.E. de sauvegarder sa prédominance dans les mécanismes de prise de décision et de gestion.

Il faut tirer  les enseignements de l’expérience de Barcelone, réhabiliter les acteurs du Sud, faire valoir les normes d’une collégialité réelle, pour assurer les conditions de réussite du compromis fondateur de l’Union pour la Méditerranée. Ne serait-il pas plus conforme à l’esprit de ce partenariat nouveau, de présenter les vues de l’U. E. comme des propositions et non des décisions et reformuler les termes de références en tenant compte des attentes des pays sud-méditerranéens. A plus ou moins longs termes, il faudrait réaliser la mutation progressive de l’UPM d’une union de projets à un projet d’union.

(Dossier réalisé par Mohamed Chafik Mesbah

 

Voir Le Soir d’Algérie, 13, 14, 15 juillet 2008)

 

 

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2 juillet 2008 3 02 /07 /juillet /2008 20:03


Il est opportun, de dissiper les équivoques, de clarifier les références, de rétablir les données de base, à la veille du Sommet du 13 juillet, qui doit fonder l’Union pour la Méditerranée. L’observateur averti doit corriger les plaidoyers des défenseurs de l’UPM. Prenons nos distances et dépassons les discours nécessairement réducteurs de ses partisans. Le rêve doit désormais céder la place à la réalité. La célébration d’un culte - fut-il celui de la méditerranéité- doit s’accommoder d’une juste appréciation des faits, d’une prise en compte des intérêts, d’un dégagement de la pensée politique des scories des mythes. Rappelons, comme postulats, que l’union à travers l’histoire, des méditerranéens, relève plutôt de la fable. Ne construisons pas le nouvel édifice sur l’erreur. Faisons l’inventaire de ce qui nous rapproche et de ce qui nous sépare. La Méditerranée fut plutôt une aire de démarcation, une frontière civilisationnelle et politique. Le dépassement des contentieux historiques n’implique guère le gommage des réalités, l’occultation des indicateurs culturels et politiques différentiels, la sous-estimation des référentiels. Tout accord nécessite une prise en compte de l’identité de l’autre, de ses perceptions et de ses attentes. Autre postulat nécessaire, les relations politiques se fondent, sur la construction de compromis, prenant en compte les enjeux des différents acteurs. Le discours du consensus n’a pas sa place dans ce domaine. Et n’oublions pas que tout accord international est un habillage des rapports de forces.

I - Les enjeux de l’UPM : Vérité élémentaire, transgressée lors de la célébration de son culte fondateur, l’Union pour la Méditerranée, n’a pas comme ambition de re-actualiser une vision du passé. Elle est, bel et bien, un projet d’avenir. C’est en tant que tel, qu’elle fut appréhendée, par le Président Nicolas Sarkozy, lors de sa campagne électorale, à Toulon en février 2007. « La France, avait-il dit, a cru qu’en tournant le dos à la Méditerranée, elle tournait le dos à son passé alors qu’en réalité, elle tournait le dos à son avenir». A-t-on pris la juste mesure de cet objectif primordial ?

Autre fait, qui constitue le back ground de l’initiative française, l’enjeu de l’Union Méditerranéenne, re-actualisée par sa nouvelle version UPM, est la construction d’un partenariat global, comprenant les pays sud-méditerranéens et leur glacis arabe. Dans ce nouveau périmètre, la coopération mise en avant comme objectif, opèrerait un dépassement des conflits politiques, qui affectent l’aire arabe.  La question palestinienne et le différend arabo-israélien seraient, dans le cadre de ce processus de coopération économique,  mis de côté, transgressés, sinon marginalisés et/ou occultés. Est-ce que l’utopie d’une coopération dans cet environnement conflictuel particulier de « ni guerre ni paix » peut résister aux faits ? On comprend, dans ce contexte, l’enjeu de « normalisation » que craint l’opinion arabe. Ce qui accrédite la thèse présentant la Méditerranée orientale et non le Maghreb, comme enjeu de l’UPM. Autrement, le partenariat du 5+5, ou du 6+6, appelé à le remplacer, par l’adjonction de l’Egypte et de la Grèce, aurait suffi. Ce qui aurait d’ailleurs exigé son institution formelle. Nous pensons plutôt que les projets méditerranéens ou euro-méditerranéens, veulent appréhender l’élargissement de leur aire, par un dépassement du blocage politique du conflit israélo-palestinien, mis entre parenthèse, dans cette nouvelle approche stratégique globale. De ce fait la centralité de la Méditerranée, mise en avant par l’initiative générique et redimensionnée dans l’UPM est une opération de faire valoir des intérêts des pays nord-méditerranéens et désormais de l’ensemble de l’Union Européenne. Est-ce à dire qu’elle n’est pas en mesure de servir l’aire arabe ? Tout dépend des perceptions, des attentes, de l’identification des enjeux par leurs acteurs et surtout par leur mobilisation pour assurer leur re-appropriation du projet.

II- La réaction arabe : Tunis et Rabat accueillirent favorablement l’initiative du Président Sarkozy, qui rejoignait leur approche méditerranéenne et leur ouverture sur l’Europe. Le Caire, candidat à l’UMA et au 5+5 ne tarda pas à exprimer son adhésion, dans le cadre de son souci de participer à toutes les constructions régionales et d’assurer sa présence dans toutes les instances internationales. Alger tarda à s’exprimer, offusquée vraisemblablement par son exclusion dans la répartition des rôles et la distribution des charges. Prenant l’initiative d’un sommet surprise des représentants des pays de la rive sud, à Tripoli, le 10 juin, Mouammar Kadhafi dénonça l’initiative franco-européenne. « Nous ne sommes ni des affamés ni des chiens pour qu’ils nous jettent des os », dit-il, dénigrant les propositions de coopération en matière de commerce, de sécurité et d’immigration. Les autres chefs d’Etat (Maghreb et Syrie) ne se sont pas publiquement exprimés, lors de cette instance. Alors qu’Alger devait réserver sa décision de participer ou non au Sommet, confortant la position tripolitaine, les autres pays maghrébins confirmeront leur présence. Dans le cadre de sa politique d’ouverture, la Syrie annonça, qu’elle serait présente à Paris, le 13 juillet.

Nous remarquons cependant que l’accueil arabe à l’initiative française européanisée reste mitigé. Tout en appréciant son objectif de dynamiser le partenariat euro-méditerranéen, sa réhabilitation des acteurs du Sud et sa prise en compte de leurs attentes, les analystes sud-méditerranéens estiment que les projets formulés sont bien en deçà des objectifs de l’initiative du Président Sarkozy. Les plus optimistes d’entre eux espèrent qu’une dynamique progressive pourrait la développer, pour lui permettre de répondre aux enjeux et aux défis de l’aire par la constitution d’une communauté fondée sur la paix, la solidarité et la prospérité. Autre cause de leurs réserves, plutôt que la peur de la normalisation avec Israël, exprimée par l’opinion moyen-Orientale, le risque de mettre entre parenthèses le traitement de la question palestinienne, dans ce processus de construction régionale constitue un véritable consensus arabe, ainsi d’ailleurs que l’occultation de la dimension politique de l’approche. Peut-on admettre, de gaîté de coeur, cette option de désengagement, alors que les graves problèmes du Moyen-Orient requièrent une entré de l’Union Européenne, sur la scène internationale, pour atténuer les effets du nouvel ordre et mettre à l’ordre du jour une gestion multi-polariste des affaires internationales.

Conclusion : La réunion du 13 juillet réussira vraisemblablement à fonder l’UPM. Le nouveau-né ne sera point au niveau des ambitions méditerranéennes et des attentes de leurs populations. Est-ce à dire, qu’il n’a pas les moyens d’assurer sa mue, de réaliser sa refondation, à l’épreuve des exigences de ses propres acteurs. Ce petit pas pourrait, si on lui accorde le préjugé favorable, constituer un électrochoc, faire échec aux processus de freinage et assurer l’ouverture des horizons.

Pour réussir, il doit donner « la priorité aux vrais défis, qui concernent directement les peuples méditerranéens, à savoir l’emploi, la circulation des personnes, la désertification, l’eau et énergie et l’environnement » (Forum de Réalités, Tunis, 11 juin, 2008). Fait important, il ne doit pas se condamner prématurément en transgressant l’appropriation collective du projet, annoncée par le discours fondateur. Le choix du siège dans un pays du Sud - et pourquoi pas celui annoncé de Tunis, susceptible de rallier, à plus ou moins brèves échéances, les réserves de Tripoli et d’Alger - et l’adoption de mécanismes d’exécution adéquats pourraient dynamiser son action et multiplier ses effets d’entraînement. Pour résister à la pesanteur ambiante, Il faut rester à l’écoute de tous et instaurer une politique d’adaptation régulière aux exigences. Il faut convaincre les plus récalcitrants de part et d’autre de la Méditerranée. Fut-elle une union à géométrie variable, l’UPM doit impliquer nécessairement l’Algérie et la Libye. Elle ne doit pas défier la solidarité de la communauté maghrébine ou ignorer les attentes de l’aire arabe, alors que la nouvelle configuration ménageait tous les acteurs européens.  Autre nécessité, elle doit « éviter que le Sud méditerranéen ne devienne « le pare choc » de l’Europe face à l’Afrique » (Forum de Réalités, Tunis, 11 juin, 2008). La crédibilité du projet est à ce prix.

D’autre part, règle d’or de la gestion des affaires internationales, on ne peut occulter la donne politique dans un projet de cette envergure. Comment créer une communauté de prospérité, de coopération et de solidarité, sans assurer un climat de paix ? Il faudrait peut être inaugurer la mise sur pied de ce processus par la création, dans le cadre de ce partenariat, d’un comité ad hoc pour faire valoir des solutions aux conflits et différends, traiter les questions graves de l’aire telles que la question palestinienne.  Peut-on négliger cette conditionnalité de la réussite !

 

Professeur Khalifa Chater,

Vice-Président de l’Association

des Etudes Internationales

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27 mai 2008 2 27 /05 /mai /2008 15:28


Sous l’égide de la Ligue des Etats arabes, une réunion de concertation des dix pays concernés par le projet de l’Union pour la Méditerranée se tint au Caire, le 24 mai 2009. Il était temps. L’initiative française, reformulée et re-dimensionnée par l’Union Européenne  risquait d’être présentée aux dix pays sud-méditerranéens, "clefs en main", en dépit du discours générique sur l’appropriation collective du projet. En effet, la réunion de l’Union Européenne, qui a fixé les contours de l’UPM, n’a pas cru devoir tenir compte des résultats des consultation des pays du Sud effectuées par le Président Sarkozy, annonça une remise en cause du siège dans le Sud, par la création d’une instance parallèle à Bruxelles et formula unilatéralement les cinq projets de la future institution. Le risque de voir l’UPM vidée de sa substance ne pouvait que susciter l’inquiétude de ses partisans.

La réunion du Caire devait faire état des inquiétudes de certains pays arabes, dans la mesure où l’objectif de consensus était bien en deçà de la démarche d’une union annoncée et maintenue dans le titre.  Ce qui limite l’ambition du projet et risque de remettre en cause sa raison d’être. On évoqua aussi le contexte géopolitique défavorable à la construction d’un partenariat, alors que le processus de paix est bloquée. Comment transgresser, dans ces conditions, le préalable de l’assainissement des relations, de la culture de la paix et du dialogue à ce partenariat ? Les déceptions suscitées par l’expérience de Barcelone qui a occulté son objectif fondateur relatif à la création d’une aire de paix, de solidarité et de prospérité partagée furent évoquées. Dans quelle mesure est-ce que le projet de l’UPM devait donc avoir une valeur ajoutée ?

Tout en affirmant leurs exigences relatives à la co-présidence tournante du Nord et du Sud, de la co-direction et du choix du siège au Sud, les ministres des Affaires étrangères des dix pays concernés ratifiaient la proposition égyptienne relative à la désignation de l’Egypte et de la France, comme premiers présidents. Le choix du siège devait revenir à Tunis, vu sa position géographique centrale en Méditerranée, sa proximité de l’Europe et son absence de différends avec tous les membres de la nouvelle communauté. Le Maroc ou l’Algérie devaient assurer le co-secrétariat.

Dans le cadre de l’étude des projets, la réunion fit état des risques de voir l’UPM d’accorder la priorité aux intérêts européens, à ses préoccupations relatives à l’émigration et à la sécurité. Elle remarqua que les questions du transfert technologique, de l’emploi, par exemples n’ont pas été évoquées. De nouvelles réunions devaient finaliser une vision commune à présenter à la réunion euro-arabe de Slovénie, le 9 et 10 juin 2008, pour assurer la re-appropriation collective du projet.

 

 

Professeur Khalifa Chater

 

 

 

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21 mai 2008 3 21 /05 /mai /2008 17:17

La redéfinition du projet de l’UPM, par l’union Européenne (20 mai 2008) ou du moins l’identification de ses contours, l’inscrit dans la Realpolitik de l’Union Européenne et de ses équilibres fondateurs. Faut-il s’en étonner ? La matérialisation du rêve méditerranéen subit les freinages de la pesanteur géopolitique européenne et doit nécessairement s’accommoder du référentiel différentiel des pays, des horizons qu’ils privilégient et des intérêts prioritaires qu’ils servent.

Est-ce à dire que la frontière Méditerranée, - fut-elle virtuelle ! - constitue la valeur obsessionnelle, de l’ère post-guerre froide,  depuis qu’on a détruit le mur de Berlin et mis à l’ordre du jour la priorité de l’élargissement de Europe ? Je ne le pense pas. La géographie et l’histoire définissant la politique étrangère de l’U.E., on ne saurait nier la volonté de la maison Europe de rechercher des marchés, au-delà de la Méditerranée et d’encourager la mise en oeuvre d’une politique de libre échange par ses partenaires du sud. Faut-il aussi perdre de vue son souci d’engager un dialogue suivi, se proposant de créer « une aire de paix et de prospérité partagée», telle que l’atteste l’idealtypus du processus de Barcelone.

L’élargissement du projet - il rassemblerait désormais 44 pays riverains de la Méditerranée et de l'Adriatique - , peut assurer, la réussite du processus. Il permettrait à l’Union Européenne de le doter d’importants financements communautaires, tout en sauvegardant sa direction paritaire Nord/Sud. Notons cependant que l’Union Européenne fait défection, en matière de financement. "Les projets régionaux ne peuvent être mis en oeuvre au détriment de nos budgets existants", a insisté la commissaire, souhaitant privilégier le recours à des fonds privés, des fonds d'Etats, membres ou non de l'Union, ou encore aux institutions financières internationales. Les partisans d’un plan Marshal européen, dans le cadre d’une solidarité communautaire ne peuvent qu’être déçus.

D’autre part, la formulation des projets phares de l’UPM, par l’U.E. : Autoroute du Maghreb, dépollution de la Méditerranée, développement de l'énergie solaire, coopération en matière de protection civile contre les catastrophes montre l’intérêt qu’elle porte au projet. Mais n’aurait-il pas fallu associer les pays sud-méditerranéens à la formulation des projets prioritaires. Notons d’autre part, que ces projets n’ont pas l’ambition de participer au traitement de la question préoccupante de l’emploi, à la fracture socio-économique méditerranéenne, à l’échange inégal et qu’ils occultent toute politique de co-développement. Fait aussi important, la velléité de remise en cause du siège dans un pays du Sud, par l’installation parallèle d’un "comité de direction", basé à Bruxelles, atteste une volonté de l’U.E. de sauvegarder sa prédominance dans les mécanismes de prise de décision et de gestion.

Ne faut-il pas prendre la mesure des enseignements de l’expérience de Barcelone, réhabiliter les acteurs du Sud, faire valoir les normes d’une collégialité réelle, pour assurer les conditions de réussite du compromis fondateur de l’Union pour la Méditerranée. Ne serait-il pas plus conforme à l’esprit de ce partenariat nouveau, de présenter les vues de l’U. E. comme des propositions et non des décisions et peut-être de contribuer a faire de cette «union de projets, un projet d’union».

 

Professeur Khalifa Chater


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16 mars 2008 7 16 /03 /mars /2008 18:19

Réaliser le compromis Nord-Sud

 

Professeur Khalifa Chater

 

 

"En ce qui concerne l'Union méditerranéenne, nous la soutenons pleinement... Il semble que toutes les conditions sont maintenant réunies pour aller de l'avant" (déclaration de  José Manuel Barroso, Président de la Commission Européenne, Bruxelles, 2008). 

 

Enfin, le compromis réalisé entre la chancelière allemande, Angela Merkel et le Président français Nicolas Sarkozy (Hanovre, 3 mars 2008) a été ratifié par les dirigeants européens, au cours de leur dernière réunion, le 13 mars à Bruxelles. "Ce qui est important, c'est que c'est un projet européen", a souligné le chancelier autrichien Alfred Gusenbauer. "Nous ne ferons pas un barbecue pour quelques Etats membres seulement[2]". L'union pour la Méditerranée a désormais pour objectif l'édification d'un partenariat entre les pays sud-méditerranéens et l'ensemble de l'Union Européenne qui doit "ouvrir une nouvelle étape de la coopération en Méditerranée, en conférant un nouvel élan au processus inauguré à Barcelone en 1995[3]". Est-ce qu'il s'agit d'une mise à jour du processus de Barcelone, d'une redynamisation des relations euro-méditerranéennes, qui se sont essoufflées avant d'atteindre leurs vitesses de croisières ou plutôt d'une opération d'accompagnement par l'identification de projets prioritaires et la mise sur pied d'équipes distinctes d'exécution ?

Dans l'état actuel des choses et en attendant la formulation de la nouvelle entité par le sommet fondateur du 13 juillet 2008, il semble prématuré de répondre à la question. Nous savons, par contre, que l'Union pour la Méditerranée sera dirigé par un président du Nord et un président du Sud et quelle sera dotée d'un secrétariat, rassemblant des fonctionnaires du Nord et du Sud et qu'elle privilégiera le travail sur projet.

Bénéficiant d'un consensus européen laborieux mais effectif, la nouvelle institution doit maintenant avoir l'aval des sud-méditerrannéens, obtenir leur ralliement. Elle est certes susceptible de rencontrer auprès d’eux, une audience favorable, dans la mesure où elle les réhabilite, comme acteurs sur la scène euro- méditerranéenne et qu'elle met à l'ordre du jour la solidarité, la coopération et, espérons le, le co-développement dans cette aire.  Mais elle doit, préalablement, les associer à la définition du projet et à l'identification de ses enjeux.

Est-ce que les projets avancés, lors des dernières assises de l’Union Européenne - la dépollution de la Méditerranée et la question de l'énergie - présentés hâtivement comme similaires aux projets fondateurs de l'Union Européenne du charbon et de l'acier -  sont considérés comme prioritaires par les Sud-méditerranéens ? Nous ne contestons, certes pas, la gravité de la pollution de notre mer commune, ses effets néfastes sur les ressources maritimes et les moyens d’existence des pêcheurs et nous n’occultons pas le problème du réchauffement de ses eaux par les centrales thermiques. D’autre part, la question énergétique conditionne l’avenir commun. Mais les populations méditerranéennes, du Nord et du Sud ont des espoirs immédiats, qui concernent la vie solidaire et impliquent la mise sur pied des projets globaux, mis en œuvre par des stratégies concertées.

Le pilotage commun doit permettre la participation de tous à la définition des objectifs et à l'identification des projets de lancement. Il doit prendre en ligne de compte les attentes de tous les partenaires. Oeuvrer pour la réalisation d'un compromis Nord-Sud doit être désormais l'ordre du jour des auteurs de l'UPM, condition Sine qua none, de la réussite  de ce projet prometteur.

 

Khalifa Chater

14 mars 2008



[1] - Déclaration lors des assises de l'Union Européenne, le 13 mars, à Bruxelles.

[2] -  Déclaration, à l’occasion des assises de l'Union Européenne, le 13 mars, à Bruxelles.

[3] - Texte présentée par la France et l'Allemagne à ces assises.

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