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10 mai 2014 6 10 /05 /mai /2014 19:23

“J'avais toujours lié l'Egypte au Conseil de coopération du Golfe (CCG). Si le régime égyptien s'effondre, le GCC le suivra; si le régime en Egypte est fort et consolidé, le GCC restera stable …” (interview au journal égyptien al-Ahram, reproduite in Khaleej Times - 9 April, 2014). Ce diagnostic révélateur du lieutenant- General Dhahi Khalfan Tamim, Deputy Chairman de la police de Dubai, liant le sort des pays du Golfe au nouveau régime égyptien, fait valoir la nouvelle donne des alliances et des zones d'influence, dans l'aire arabe. L'Egypte est désormais une nouvelle carte dans le jeu du Conseil du Golfe.

Une alternative à l'alliance avec les USA ? Dans ce même ordre d'idée, l'analyste libanais Khattar Aboudhiab évoque la formation d'une éventuelle alliance arabe, qui serait formée par l'Arabie Saoudite, Les Emirats, le Koweït, Bahreïn, l'Egypte et la Jordanie. Elle aurait pour objectif de "dresser une barrière, pour assurer la sécurité du Golfe et ce qui en reste de la sécurité arabe" (journal al-Arabe, 5 avril 2004). Conscient de son insécurité, le Conseil du Golfe avait, en 2012, envisagé d'intégrer la Jordanie et le Maroc, tout en occultant la candidature du Yémen, qui reste cependant dans son aire d'influence. Le nouveau pacte éventuel est réactualisé par l'abandon du Maroc, qui a exprimé des réserves, vu son attachement à l'UMA et l'exclusion du Qatar et d'Oman, conséquence de leurs politiques étrangères spécifiques. Est-ce à dire que la nouvelle donne a mis fin à l'approche sécuritaire collective de l'ensemble des pays arabes du Golfe ?

Dans cette éventualité, l'Egypte du futur président Essissi serait "le noyau dur de l'alliance". Autrement, "on rechercherait des alliances avec des pays musulmans, tels la Turquie ou le Pakistan. Sinon on songerait à s'associer avec des puissances européenne ou asiatiques" (Khattar Aboudhiab, ibid.). En tout cas, les pays du Golfe vivent une "conjoncture de défis et de périls" (Mohamed Remihi, titre de l'article, in Charq Awsat, 5 avril 2014). Citons, entre autres, la fin annoncée de l'ère du pétrole, leur source de puissance, les rapports entre les populations indigènes et les immigrés et la dépendance d'un parapluie sécuritaire de l'étranger. La prise de distance des USA de l'Arabie Saoudite et de l'Egypte expliquerait leur rapprochement. D'ailleurs, l'Arabie Saoudite a remplacé les Etats Unis, comme bailleur de fonds de l'armée égyptienne.

Peut-on créditer la thèse, source d'inquiétude de l'Arabie Saoudite, d'un repositionnement des USA, vis-à-vis des pays du Golfe, dans ce nouveau contexte où "l'Iran s'érige en gendarme de la région, d'un associé aux USA ou de son remplaçant, dans l'aire". Les négociations de Genève avec l'Iran ont "choqué l'Arabie saoudite". Elle n'aurait admis que les Etats-Unis, reconnaisse cet ennemi principal des USA et de l'Arabie, dans la région comme "un Etat nucléaire et une puissance régionale" (éditorial d'al-Quds, 28 mars 2014). D'autre part, les Américains n'ont pas pris position, en faveur de l'Arabie, lors de son conflit avec Qatar, qu'ils ménagent par intérêts, vu l'importance des ses achats d'armes. Les USA resteraient cependant l'allié stratégique de l'Arabie, bien que leur intérêt se porte davantage vers le Pacifique. Suite à la crise ukrainienne et à la réactualisation de la guerre froide, leur retour forcé vers l'Europe, impliquerait un changement de priorités.

Un abandon évident d'une alliance des printemps arabes : Des observateurs avaient évoqué une possible alliance des pays du printemps arabe, avec un rapprochement avec Qatar et la Turquie. La destitution du président Morsi, en Egypte a mis fin au rapprochement égypto-qatari et égypto-turc. Pour échapper à l'isolement diplomatique de son pays, l'émir du Qatar a multiplié les visites dans les pays arabes. Les résultats ne semblent pas évidents. L'Algérie et la Tunisie privilégient les relations de coopération, sans allégeance politique. Le Soudan, en très éloigné. La Jordanie entretient des bonnes relations avec les différents pays du Golfe, sans exclusive. Au mieux, peut-elle tenter une médiation, qu'elle aurait déjà programmée (Al-Quds, 30 mars 2014). En ce qui concerne la Tunisie, sa soft révolution et le changement de gouvernement qui s'en suivit, a rétabli les relations équilibrées avec tous les acteurs arabes, privilégiant les relations de voisinages et les alliances de nécessité qu'elles mettent en œuvre. La Libye est en état de choc, alors que la Syrie est l'objet d'une escalade tragique. Dans cette conjoncture d'attente, la tournure des événements ne favorise pas la prise d'initiatives d'alliances, vu les conséquences différentielles des révolutions populaires et la difficile construction de compromis géopolitique.

Vers un maintien des alliances inachevées : Au cours de sa visite à Ryad, le 28 mars 2014, le Président Barak Obama s'est assigné comme objectif de se réconcilier avec l'Arabie saoudite et de relancer son partenariat stratégique avec lui. Sans doute, l'a-t-elle conseillé de suivre la même politique avec Téhéran. Il lui aurait recommandé de négocier avec lui, pour "réduire sa capacité de nuisance" (Georges Malbrunot, Le Monde, 28 mars 2014). Il serait néanmoins difficile à l'Arabie Saoudite d'envisager une réconciliation avec la république islamique, vu l'incompatibilité géopolitique, confortée par l'opposition sunnite/chiite et la démarcation des aires d'influence. Mais la situation réduit la marge de manœuvre de Riyad, vu la nécessité de sauvegarder l'alliance avec les USA.

D'autre part, le conflit entre Riyad et Doha ne peut être que conjoncturel. L'escalade explique les positions de surenchère: L'adjoint du chef de sécurité à Dubaï a demandé l'intégration de Qatar au sein des Emirats. En réponse, un journaliste qatari a demandé de redonner Dubaï à Oman (al-Quds, 31 mars 2014). Autre acte de dissuasion, une délégation khalijienne aurait demandé à la direction saoudienne, d'organiser un renversement à Qatar. Mais elle aurait refusé catégoriquement l'initiative (As-Safir, 4 avril 2014). Qatar et Riyad sont condamnés à se réconcilier. Qatar qui ne peut se permettre un isolement dans son aire, parle même de sa recherche d'un pays d'accueil à Youssef al-Qardaoui, soutien des opposants à Bahreïn et aux Emirats et éventuellement aux dirigeants du mouvement des Frères musulmans, en exil. D'autre part, la donne sécuritaire constitue un facteur fondamental des assises du Conseil du Golfe. La crise actuelle s'inscrirait plutôt dans une volonté de le consolider en imposant un rapprochement des points de vue, sauvegardant le parrainage du Conseil du Golfe par l'Arabie Saoudite.

L'aire arabe reste certes un enjeu stratégique. Mais la donne actuelle semble favoriser la prise d'importance de la dynamique intérieure, aux dépens des velléités d'interventions extérieures que la nouvelle guerre froide ne peut que mettre à l'ordre du jour.

chaterkhalifa@topnet.tn

(L'économiste maghrébin, du 16 au 30 avril 2004).

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21 avril 2014 1 21 /04 /avril /2014 15:33

La visite du chef du gouvernement tunisien, Mehdi Joma, aux Emirats Arabes Unis, au Koweït, au Qatar, à l’Arabie Saoudite et au Bahreïn (15-19 mars) pose le problème des relations de ces pays, avec la Tunisie. A l'exception du Sultanat d’Oman, qui s'est excusé, vu son calendrier diplomatique, les autres pays ont réservé au chef du gouvernement tunisien un accueil diplomatique normal. Ils l'ont assuré de leur soutien. Notons cependant que la Tunisie et les pays du Golfe n'ont pas les mêmes priorités et par conséquent les mêmes urgences. Ce décalage doit être pris en compte.

La dichotomie entre le temps du politique et le temps de l'économie : La visite du chef du gouvernement tunisien s'inscrit dans une conjoncture de guerre froide dans l'aire du Golfe. Découlant, dans une large mesure des positions différentielles avec les USA (alliance des pays du Golfe et relations conflictuelles de l'Iran), l'opposition entre l'Arabie saoudite et l'Iran crée une démarcation géostratégique, confortée par les rivalités entre sunnites et chiites. Conflit désormais régional, la guerre de Syrie s'inscrit dans ce contexte. Le rapprochement avec l'Iran, esquissé par le Président Obama, ravive les tensions. Les autres pays du Golfe s'inscrivent dans cette mouvance, à l'exception du Qatar et d'Oman qui prennent leurs distances et gardent leurs marges de manœuvres. Le choix du Président iranien Hassan Rouhani, d'Oman, comme premier voyage, dans les pays arabes, traduit des relations privilégiées, alors que Qatar joue tous azimuts.

Le déclanchement récent d'un conflit entre Qatar et ses anciens alliés du Conseil du Golfe (Arabie Saoudite, Emirats et Bahreïn) complique la donne. Il est censé imposer un choix entre les protagonistes de tous les acteurs, d'autant plus qu'il concerne l'appréciation de l'Islam politique et les activités du Mouvement des frères musulmans. Les pays du Golfe vivent le temps du politique alors que la Tunisie post-Troika, traversant une crise sociale et économique grave, vit le temps de l'économique. Elle est à la recherche d'un financement d'urgence.

Tunisie/pays du Golfe, des relations différentielles: La guerre froide qui domine actuellement l'aire du Golfe affecte leurs rapports avec les autres pays arabes. De ce point de vue, les relations différentielles de la Tunisie, avec ces différents pays ne peuvent favoriser des rapports similaires avec eux. Le rééquilibrage de la politique étrangère tunisienne par le gouvernement de Mehdi Joma, formé de compétences, non alignées politiquement est en mesure de rétablir la confiance. Mais les séquelles de l'ancien alignement partisan de la Troika, n'a vraisemblablement pas dissipé les malentendus. D'autre part, certaines prises de positions en faveur de l'ancien président Morsi, de l'ancienne équipe gouvernementale tunisienne ont suscité le mécontentement des Emirats, de l'Arabie Saoudite et du Koweït qui ont soutenu le changement du régime égyptien. Rapprochement évident entre les visions géopolitiques entre Tunis et Ryad, le chef du gouvernement, Mehdi Joma a déclaré lors d’une interview accordée au journal saoudien, Riyad que la décision de l’Arabie Saoudite de classer certains organismes et partis parmi les organisations terroristes est positive. Mais le parti Nahdha, majoritaire à l'Assemblée Constituante, ne semble pas partager pas ces vues. D'autre part, des observateurs, connaissant les normes diplomatiques, estiment que le chef du gouvernement tunisien n'a pas tenu compte de la hiérarchisation des pays à visiter et qu'il a privilégie Qatar, alors que l'Arabie Saoudite constitue la puissance régionale. Faut-il accorder de l'importance à ces états d'âme ?

Comment peut-on évaluer, en conséquence, l'impact de cette tournée, dans les pays du Golfe. Les discours sont certes prometteurs mais le soutien effectif n'est pas explicité. D'autre part, les engagements annoncés par les investisseurs du Golfe dépendent nécessairement de la stabilité politique du pays, de l'état de son économie et de sa sécurité. Ces conditions ne sont pas actuellement assurées. Mais la nouvelle équipe, qui a tourné la page de la troika, est, bel et bien, entrain d'œuvrer pour restaurer l'ordre, l'économie et la sécurité du pays. Espérons que la solidarité permette de faire valoir une politique de soutien et un pari sur la transition démocratique tunisienne, de acteurs régionaux et internationaux.

  • L'économiste maghrébin, n°628 du 2 au 16 avril 2014).
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3 janvier 2014 5 03 /01 /janvier /2014 17:50

La conférence sur la Syrie aura lieu à Genève le 22 janvier, après 32 mois de conflit, a annoncé, le 25 novembre, le secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon. Genève 2 peut- elle mettre à l'ordre du jour un scénario de sortie de crise en Syrie ? Peu d'analystes croient en la possibilité de mettre fin rapidement à un conflit qui dure depuis deux ans et demi, a fait plus de 100.000 morts et forcé à l'exil près de trois millions de personnes. Fait important, la liste des participants à la conférence n'est pas encore établie. L'Iran, qui soutient Damas, et l'Arabie saoudite, qui soutient l'opposition, seront-ils de la partie? Qui représentera les révolutionnaires ? La délégation gouvernementale aura-t-elle le pouvoir de prendre des décisions cruciales?

La pesanteur de la conjoncture : Le fractionnement de la résistance et l'émergence en son sein de mouvances radicales ont suscité une véritable implosion dans le pays, confortant la lutte sans merci du pouvoir, avec l'appui de ses alliés (Russie, Iran, Hizb Allah). Le dialogue entre les protagonistes d'une révolution, rapidement mutée en guerre civile d'extermination ou presque, nous semble exclu. L'actualité atteste que, l'agenda américano-qatari, dans l'aire arabe, soutenu par l'Arabie Saoudite et la Turquie, dans le cas syrien, est en voie de révision. Le gouvernement américain a eu, en effet, des relations ambigües avec le mouvement des Frères Musulmans, le considérant comme une alternative possible aux autorités établies, dans les pays du "printemps arabe". Esquisse d'une révision de la politique américaine, ou simple démarcation tactique, le Secrétaire d'Etat John Kerry a dénoncé le mouvement des Frères musulmans et déclaré qu'ils ont «volé» la révolution égyptienne (déclaration du 20 novembre 2013). D'autre part, l'appartenance de certaines des composantes de la résistance syrienne à la Qaïda a suscité une prise de distance du pouvoir américain. L'accord russo-américain relatif à Genève 2 traduit cette nouvelle conjoncture.

Les chances de Genève 2: La conférence de paix sur la Syrie semble mal engagée. La coalition de l'opposition a accepté de participer à la conférence, mais à condition que Bachar el-Assad ne participe pas au gouvernement transitoire. Nouvelles conditions émises par la résistance, le 2 décembre, la libération des détenus, prés de 250 mille et la fin du blocus des villes et des agglomérations syriennes (al-Quds, 3 décembre).

Fait évident, la tenue de l'instance ne signifie pas nécessairement l'adoption d'un accord, favorable à un compromis, sinon à une réconciliation entre les protagonistes, syriens et arabes. Nous sommes désormais en présence d'un conflit régional. Le gouvernement américain peine à convaincre ses alliés arabes, pour assister à Genève 2 et à accepter une solution pacifique de la crise. Mais son intervention peut être persuasive, vu l'état des alliances. La Turquie qui a soutenu, par solidarité idéologique, la résistance syrienne - fut-elle extrémiste ! – est appelée à ralentir ses élans, suite au renvoi de son ambassadeur au Caire, le 24 novembre. Elle prend acte de la fin de sa représentation en Egypte, dont le leadership, dans l'aire arabe est incontestable. Mais il sera plus difficile à la Russie et aux USA de convaincre la résistance de la nécessité d'un règlement politique.

Conclusion souvent avancé, le traitement de la crise, la stabilité de la Syrie et la sécurité de la région ne sont pas vraisemblablement pour demain. La Russie peut-elle facilement abandonner le régime syrien, qui constitue sa dernière carte géostratégique ? D'autre part, l'accord de l'Iran avec le groupe (5+1) n'implique pas une révision de ses alliances.

Des velléités totalitaires ? Le mouvement de la résistance se radicalise. Certaines de ses principales composantes optent pour la création d'un Etat islamique, transgressant les principes républicains d'antan. L'organisation de l'Etat Islamique en Irak et au pays ech-Cham (Syrie-Liban), appelée Daache, d'après ses initiales arabes, a créé une structure d'accueil sociale, parallèlement à son processus militaire. Elle offre des services de soutien et de santé, dans les régions qu'elle domine, appelle les organisations jihadistes à la rejoindre et engage l'islamisation de la société (Charq Awsat, 22 novembre 2013). Dans le même ordre d'idées, sept importants groupes islamistes combattant le régime ont annoncé vendredi 22 novembre, leur fusion et la création d'un "Front islamique" (L'Orient le jour, 27 novembre).

De fait, ces différentes organisations mettent à l'ordre du jour, un système politico-économique cherchant à imposer son mode de pensée considéré comme le seul possible. Il fonctionnerait, bien entendu, sur le mode du parti unique interdisant toute opposition organisée ou personnelle, accaparant tous les pouvoirs, confisquant toutes les activités de la société et soumettant toutes les activités individuelles à l'autorité de l'État. Dans ce cas, l'Etat hégémonique est provisoirement constitué par des émirats, où chacun et tous penseraient de même. Ce qui implique que les minorités ne pourraient plus se faire entendre. Réagissant à cette velléité d'hégémonie ethnique, le parti d'Union démocratique (kurde) a annoncé la création d'une administration autonome, au Nord de la Syrie (déclaration de Salah Moslim, directeur du parti, al-Quds, 23 novembre 2013). Escalade évidente, l'Union Démocratique Kurde a pris position pour la formation d'une entité territoriale (iklim) indépendante, dans une confédération. Une constitution est en voie de rédaction à cet effet (déclaration du dirigeant Salah Moslim, Marseille, 1er décembre 2013). L'Etat-nation syrien semble ainsi sérieusement remis en cause. Fait grave, les dérives de la résistance créent l'impasse. Les forces radicales, qui rassemblent près de 5500 volontaires étrangers et sont en train de se renforcer, remettent en cause les positions de la résistance modérée. La chute d'al-Assad serait vraisemblablement suivie d'une guerre contre al-Qaïda (diagnostic du Washington Post, in al-Quds, 3 décembre 2013).

Conclusion : La guerre de Syrie est ainsi appelée à durer. Le 22 janvier est encore très loin. Pourrait-on respecter cette date fixée par l'ONU ? "L'armée syrienne a enregistré de nouvelles victoires sur les rebelles et pourrait redoubler d'efforts pour renforcer sa position militaire, avant le début des négociations". Cette appréciation de l'évolution sur le terrain de Timothy Witcher (Agence France-Presse, 26 novembre) montre que les jeux ne sont pas fait, vu le changement de rapports de forces des multiples acteurs sur le terrain. Peut-on espérer l'ouverture de l'horizon, par les effets de retour de l'accord intérimaire sur le nucléaire iranien ?

chaterkhalifa@topnet.tn

l'Economiste maghrébin,

n°619 du 11 au 25 déembre 2013).

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8 décembre 2013 7 08 /12 /décembre /2013 15:12

L'étude de l'origine de l'insurrection de la Syrie est à l'ordre du Jour. Déclenchée dans la conjoncture du printemps arabe, elle fit valoir la dynamique interne, aux dépens de la donne internationale, non exclue d'ailleurs,  du processus arabe.  A-t-elle était déterminante ? La question appartient désormais à l'histoire, censée dégager la graine de l'ivraie.  Evolution de fait, les enjeux internationaux marquent désormais la géopolitique syrienne.  Analyste spécialiste de l'Iran et du Moyen-Orient, Milad Jokar identifie trois enjeux stratégiques principaux: l'isolement de l'Iran, le maintien de l'alliance stratégique et économique avec des alliés arabes comme le Qatar, et enfin assurer les besoins énergétiques en gaz vers l'Europe (http://www.huffingtonpost.fr, 20 octobre 2012).

Bien entendu, la dynamisation de l'acteur contestataire syrien, dans le jeu politique du Moyen-Orient, est une opportunité utile pour affaiblir le clan adverse, redimensionner le clan de la moumanaa (refus) arabe, qui rassemble, sous le ledership de Damas, et avec le soutien de l'Iran, Hizb Allah et Hamas. Mais l'instrumentation du discours de la démocratisation et  la promotion effective du mouvement islamiste, ne suscitent pas l'enthousiasme de l'Arabie Saoudite. Bien au contraire. Ce qui explique d'ailleurs, la contestation saoudienne du jeu de rôle qatari.  Les pays du Golfe se sont volontiers accommodés du statu quo et ont défini des compromis sur la scène libanaise et au-delà. D'autres raisons expliqueraient vraisemblablement ce changement d'attitude. Est-ce que les USA et leurs alliés européens et arabes ont choisi le terrain syrien, pour engager une guerre par procuration contre l'Iran ?  Cette thèse ne nous parait pas crédible, vu le souci de l'Establishment américain, de se désengager en Irak et en Afghanistan. D'ailleurs l'actualité récente montre la recherche du Président Obama d'un réglement du contentieux avec l'Iran.

Les recherches internationales actuelles font valoir "lagéopolitique des pipelines, qui connait  un tournant capital" (M. K. Bhadrakumar, titre de l'article, http://www.comite-valmy.org, 3 février 2010). La guerre de Syrie résulterait ainsi de la  redistribution des cartes de la coopération énergétique au niveau régional. "Le trajet des gazoducs Qataris décide des zones de combat !" affirma Nasser Charara.  Le quotidien Al-Akhbar aurait obtenu des informations en provenance de sources sûres qui se résument à dire qu’il existe un plan qatari, approuvé par l’administration US, dont l’objectif serait la mise en place d'un nouveau gazoduc destiné au transport du gaz qatari vers l’Europe. La Turquie et Israël étant parties prenantes. Ce nouveau gazoduc devrait emprunter une « voie terrestre » qui démarre du Qatar, traverse le territoire saoudien, puis le territoire jordanien évitant ainsi le territoire irakien, pour arriver en territoire syrien et plus précisément à Homs. À partir de Homs le gazoduc devrait bifurquer dans trois directions : Lattaquié sur la côte syrienne, Tripoli au nord du Liban et la Turquie (le journal libanais al - Akhbar, 22 octobre 2012. Voir aussi sa traduction in http://www.palestine-solidarite.org). Le but principal de ce projet est d’acheminer le gaz Qatari, vers l'Europe,  la libérant de la voie du Golfe persique, soumise aux aléas de l'Iran.  Or, le Qatar détient les troisièmes réserves mondiales de gaz naturel. Il  est le premier exportateur de gaz naturel liquéfié avec une capacité de production de GNL de 77 millions de tonnes par an. Il vient, d'ailleurs, de découvrir  un gisement en mer contenant 2,5 trillions de pieds cubes dans le nord du pays. L'Europe est bien concernée par ce projet, qui mettrait fin au monopole gazier russe.

Le diagnostic de David Rigoulet-Roze, chercheur rattaché à l’Institut d’Analyse Stratégique (IFAS), consultant en relations internationales et spécialiste du Moyen-Orient est éloquent : "Le problème du Qatar, c'est un champ de gaz commun avec l'Iran. Jusqu'à présent, le Qatar exporte son gaz par méthanier, mais l'inconvénient des méthaniers c'est qu'ils transitent par le détroit d'Ormuz sous surveillance étroite de l'Iran. Ces incertitudes ont poussé le Qatar à chercher d'autres options, dont la voie terrestre, avec la formalisation d'un "pipe", à destination des européens, passant par le Nord et débouchant sur la Méditerranée". Confirmation de cet intérêt, le cheikh Hamad bin Khalifa Al Thani, le prince du Qatar, a déclaré fin août 2013, suite à des négociations avec le président turc Abdullah Gull et le Premier ministre Recep Tayyip Erdogan dans la station balnéaire de Bodrum. "Nous avons discuté de cette question dans le cadre de la coopération… «Nous sommes impatients d'avoir un pipeline de gaz du Qatar à la Turquie». A cet égard, un groupe de travail sera mis en place qui va arriver à des résultats concrets dans les plus brefs délais".

Mais les Russes ont eux aussi un projet concurrent, South stream, et qui déboucherait à proximité de la Turquie, en mer Noire" (Pascal Herard, "le gaz du Qatar influence-t-il le conflit", site TV5 Org, 9 septembre 2012). Leur engagement en faveur du régime syrien,  s'expliquerait ainsi par leur souci de paralyser la construction de cet oléoduc. L'Iran, également hostile au projet, soutenait le refus de son allié idéologique syrien. Les affrontements en Syrie furent ainsi dynamisés par la compétition qui se joue entre, d’une part les Occidentaux, la Turquie et les monarchies du Golfe, d’autre part, la Russie, l’Iran et la Syrie, auxquels s’est ajouté l’Irak, qui s’est fortement rapproché de Téhéran et Damas aux dépens des Américains. Ajoutons à cela que la Syrie dispose de réserves dans son sol et probablement du pétrole off-shore. Elle  vient de découvrir, en août 2011,   un important gisement de gaz à Qara, près de Homs, avec une capacité de production de 400 000 m3/j (Aymeric Chauprade : “Où vont la Syrie et le Moyen-Orient ?”, http://www.realpolitik.tv, 29 novembre 2012). Le gaz est donc, bel et bien,  la toile de fond du conflit, sinon sa raison d'être ? Est-ce que la Syrie est l'otage d'une bataille pour l'énergie, similaire à sa sœur jumelle l'Irak, sans pourtant disposer de sa richesse pétrolière ?

Comment expliquer alors ce brusque changement d'attitude américain, contre la frappe de la Syrie et la recherche d'un rapprochement avec l'Iran ? Certains l'expliqueraient par le changement de la donne énergique aux USA, grâce aux découvertes récentes de grands gisements pétroliers américains.  Les deux géants du pétrole et du  gaz, les Etats-Unis et la Russie étaient désormais soucieux de s'entendre er de se concerter, sur la question. Conséquence de la nouvelle conjoncture et suite au changement d'émir, que les Etats unis ont provoqué ou ratifié.  La fin éventuelle de la guerre des oléoducs entre la Russie et Qatar est appelée à induire des changements sur la scène moyen-Orientale. La Russie serait ainsi sortie victorieuse de cette guerre d'oléoducs gaziers, appelé à concurrencer le ravitaillement de l'Europe par son gaz (Raghda Dergham, "le pétrole et le gaz et les nouvelles relations entre l'Amérique et l'USA, al-Hayat, 18 octobre 2013).

Peut être faudrait-il nuancer cette approche fondée exclusivement sur les enjeux gaziers, fussent-ils importants et dans une large mesure déterminants ! Le compromis américain  s'inscrivait dans la volonté de construire le grand Moyen Orient. Mais la richesse pétrolière n'est jamais absente de la scène géopolitique. Ce compromis avec des nouveaux partenaires serait remis en cause par l'attaque de ses ambassades, la chute du Président Morsy et le développement des mouvements jihadistes proches d'al-Qaïda, en Syrie, en Egypte, en Libye et ailleurs.  Pragmatiques, les Américains favorisent la tactique des essais et erreurs. Leur dégagement de la guerre de Syrie, à plus ou moins brefs délais, semble annoncer une révision de leur alliance avec l'aire sunnite ou du moins l'élargissement de leur partenariat et pourquoi pas avec les ennemis d'hier. Wait and see.

chaterkhalifa@topnet.tn

(l'Economiste maghrébin, n°616 du 30 octobre

au 13 novembre  2013).

 

 

 

 

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2 novembre 2013 6 02 /11 /novembre /2013 12:37

Des syndromes définissent désormais la géopolitique du "printemps arabe".  Circonstances d'écart à la norme, ils représentent un ensemble de signes et de symptômes, qui définiraient un état géopolitique spécifique. Ils permettent, en la circonstance, de décrypter les enjeux du temps. Initié par la jeunesse démocrate tunisienne, le "printemps arabe", a remis en question  le modèle politique autoritaire en vigueur dans la majorité des pays de l'aire arabe. Ce premier acte suscita l'enthousiasme de tous. Mais le combat social et démocratique conformément aux doléances des acteurs de la révolution, fut relayé par un affrontement identitaire, qui dessina une ligne de démarcation idéologique. Or, il serait erroné de suivre les discours polémiques et réducteurs, divisant les populations  en religieux et laïcs. L'opposition entre les populations musulmanes d'Egypte et de Tunisie, se fondent essentiellement sur  leur lecture du référentiel musulman, à propos du projet de société à instituer. Nous rejoignons l'analyse de Azmi Bechara, qui identifia cette dérive, depuis sa genèse algérienne, dans les années 90 et dénonça son développement lors du "printemps arabe" ("processus démocratique, en Egypte et en Tunisie", youtube.com, 23 décembre 2012). Deuxième acte, la prise du pouvoir par des mouvements islamiques devait marquer l'évolution du processus et établir un limes idéologique, propice à l'affrontement. Cela est vrai pour l'Egypte, la Tunisie et la Syrie. Par contre,  les dérives tribales et les risques d'implosion, définissent les régimes yéménite et libyen. Dans les différents pays du "printemps arabe", un terrorisme se développe, dans les marges.

Le modèle de transition démocratique : Peut-on définir un modèle de transition démocratique ? Les pays du printemps arabe ont subi une  nouvelle restructuration de la vie politique.  A la suite de l'habilitation citoyenne, de la remise en cause du pouvoir central  autoritaire, le processus sociologique  a renouvelé "l'architecture politique" des pays du "printemps arabe". Cette mutation se distinguerait par :

1-    L'émergence de l'agora (les places de la Casbah et du Bardo à Tunis, Sahet at-Tahrir, Places Rabia al-Adaouiya et en-Nahdha au Caire), aux dépens des  institutions traditionnelles. Ces structures d'expression populaire et de centres de décision contestataires ont suscité la destitution du Moubarek (manifestation de janvier 2011à et du  Président Morsi, (30 juin 2013) en Egypte et la contestation du pouvoir de la troïka, en Tunisie (juillet -août 2013). Elles représentent un vote tacite.

2-    Le passage du pouvoir du centre, de la capitale et des villes principales vers la périphérie c'est-à-dire les faubourgs, les villages, les régions rurales qui  étaient délaissés par le pouvoir central. D'ailleurs, les révolutions populaires traduisent la dichotomie et la rupture qui s'en suivit. En Tunisie, le rôle précurseur de Sidi Bouzaid et de Kasserine a eu un effet d'entrainement évident sur l'ensemble des acteurs. Les révolutions ont fait valoir la nécessité de promouvoir les régions occultées.

3-     Résultat de cette habilitation citoyenne, le développement de la participation populaire à l'action publique. Analysant l'expérience révolutionnaire égyptienne,  Ammar Ali Hassen estime qu'elle constitue un bel exemple du niveau de la participation populaire dans la vie publique. Dans la phase de "l'enivrement révolutionnaire", dit-il, l'engagement de deux révolutions en trente mois, plaça la rue égyptienne comme premier partenaire dans l'équation (Ammar ali Hassan, La nature du modèle révolutionnaire égyptien. La "base populaire" constitue le fondement. in Al-Hayat, 17 septembre 2013). Cette nouvelle prise de conscience générale et l'entrée sur scène des jeunes de 18 à 25 ans et des femmes, en Tunisie et en Egypte risquent d'inverser la donne et de remettre en cause les partis victorieux, à la faveur des premières épreuves électorales. A juste titre, Radhouane Salah remarque le retour sur scène des jeunes, dans les pays du printemps arabe, après leur éclipse postélectoral ("L'Egypte et les Arabes après la chue des despotes et des islamistes", in Charq Awsat, 20 septembre 2013). Prenons la juste mesure de ces nouveaux élans de mobilisation.

Les syndromes différentiels : L'analyse montre cependant les difficultés de définir un modèle de la transition démocratique, dans l'aire arabe, vu les différences d'évolution, les caractéristiques des acteurs, la nature des régimes et l'impact de la géopolitique régionale et internationale. Il serait plus aisé, dans ce cas, de distinguer les syndromes, qui caractérisent les processus et définissent des situations spécifiques et parfois des cas limites.

Objet d'un affrontement bipolaire, à l'instar de la Tunisie, l'Egypte dénonça le gouvernement du Président Morsi, qui inscrit  comme priorité l'établissement d'un nouveau projet de société, remettant en cause ses écoles de pensée, ses traditions et son vécu quotidien. La révolution populaire du 30 juin 2013 rejeta cette remise en cause du consensus social national. Répondant aux vœux de l'opposition libérale, l'armée

destitua le Président Morsi le 3 juillet 2013. Ce recours à l'armée pour corriger le processus révolutionnaire définit désormais le scénario égyptien.

Le scénario tunisien est bel et bien différent. Dénonçant les assassinats politiques (les opposants politiques Chokri Belaïd et Mohamed Brahmi), remettant en cause la mouture de la constitution, d'après les options de la troïka, craignant les effets des désignations partisanes sur les élections, l'opposition démocratique opta pour un retrait de l'Assemblée Constituante et l'organisation des sit in.  Bénéficiant de l'arbitrage des organisations nationales syndicales et patronales, l'opposition privilégia ce recours au scénario de la négociation et du débat conforté par résistance civile. En Libye et au Yémen, le risque de l'implosion territoriale est à l'ordre du jour, alors que les forces contre-révolutionnaires et les seigneurs de guerre n'ont pas été encore désarmés.

Peut-on parler d'un syndrome syrien ? Un mouvement démocratique s'est engagé, à l'instar des soulèvements du "printemps arabe". Objet d'une répression d'envergure, il suscita, par l'armement de la résistance et son instrumentation par des acteurs régionaux du voisinage, une guerre civile déclarée. Dénaturalisation de la révolution syrienne, l'escalade relaya les forces libérales par le mouvement radical an-Nousra  et des forces d'appoint proche d'el-Qaïda. Or, la Syrie est un pivot géopolitique régional à l’intersection de complexes jeux de pouvoir. L'annonce d'une frappe américaine, pour punir l'usage des armes chimiques annonça un scénario de type irakien, prenant la population comme otage et menaçant le pays d'implosion ethnique. Optant, en fin de compte pour la diplomatie, le Président Obama  a évité de traverser le Rubicond, pour assurer les qualificatifs d'un tel scénario désastreux.

chaterkhalifa@topnet.tn

(l'Economiste maghrébin, n°613  du 2 au 16 octobre 2013).

 

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10 octobre 2013 4 10 /10 /octobre /2013 10:12

Comment réagir à la tragédie de Lampedusa,  le naufrage d'un bateau de migrants qui a fait environ 300 morts jeudi dernier près de l'île? Le bateau transportait quelque 500 migrants, en provenance de la Corne de l'Afrique. Devrait-on mettre l'événement sur le compte des profits et profit de la géopolitique, des relations asymétriques entre les rivages de la Méditerranée ? Ces voyageurs de la misère ont investi l'épargne familiale pour gagner le paradis de leurs rêves.  Chômage, médiocres conditions de vie et surtout absence de perspectives d'avenir, pouvaient-ils transgresser leur horizon ! Face à la forteresse Europe, leur échec était inscrit, dans les règles de la bonne gouvernance euro-méditerranéenne. La diplomatie au service de la fatalité, responsable des tragédies récurrentes. La pesanteur  des rapports sociaux nationaux et internationaux mettaient fin à l'aventure. Ces hommes qui aimaient la vie et voulaient changer leur sort étaient prédestinés pour mourir.

 Avaient-ils réalisé que la mondialisation s'accommodait du recule de la solidarité humaniste…! Depuis le début de l'année, environ 30.100 migrants ont atteint les côtes italiennes, dont 7.500 qui fuyaient la guerre en Syrie, 7.500 l'oppression politique en Erythrée et 3.000 la violence en Somalie (déclaration de Barbara Molinario, porte-parole du HCR, le  Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés).

Choqué par l'ampleur de la tragédie, le pape a effectué, lundi 7 octobre,  une visite sans précédent à Lampedusa pour «pleurer» la mort de ces migrants venus d'Afriqueen quête d'une vie meilleure. Pouvait-il sensibiliser l'opinion occidentale au sort de ces milliers de réfugiés et encourager les pays d'accueil à leur fournir une protection et à garantir leurs droits. Le drame a certes, provoqué une vive émotion en Italie, où une journée de deuil national a été respectée vendredi. Un mouvement similaire de solidarité s'est exprimé en Europe. Mais ne faut-il pas transgresser ces vœux pieux ? L'heure est désormais au questionnement: L'Europe doit-elle faciliter l'arrivée de migrants, ou se refermer sur elle-même ? Prudence diplomatique, peur de l'engagement, car l'indifférence est hors de question, le silence des acteurs du Sud est inquiétant. Réaction d'un observateur utopique : "Ne faudrait-il pas, pour assurer la dynamisation du partenariat euromed, songer à transférer le siège de l'Union pour la Méditerranée, de Barcelone à  Lampedusa, haut lieu de l'affrontement des conditions de vie de part et d'autre de la Méditerranée".

Khalifa  Chater

(site l'économiste maghrébin, 10 octobre 2013)

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19 août 2013 1 19 /08 /août /2013 09:42

Géopolitique

Le nécessaire retour au consensus ?

Pr. Khalifa Chater

 

L'Egypte vit actuellement sa grande discorde. Les velléités de transgresser des élections normales par l'équipe Morsi, pour instituer un projet de société archaïque a mis le feu aux poudres. La bipolarité idéologique a mis fin à l'égyptianité consensuelle, aux règles du vivre ensemble, à la cordiale coexistence. La correction de l'itinéraire révolutionnaire, le 30 juin 2013, a mis à l'ordre du jour le retour aux normes. Après 45 jours de patience et l'échec des médiations d'al-Azhar, de l'Union Européenne et des Etats-Unis, le pouvoir a mis en application son annonce d'une dispersion des deux  sit in qui bloquaient la vie quotidienne, dans les places de Rabaa al-Adaouia et en-Nahdha. Les conséquences meurtrières de  ces affrontements entre les partisans de Morsi et les forces de l'ordre annoncent une montée des périls. L'incendie, le 14 août 2013, par les partisans de Morsi de huit églises coptes, dans le Moyen Egypte, semble mettre la guerre civile et l'affrontement confessionnel à l'ordre du jour.  Le contexte brouille les cartes. Mais  un diagnostic rationnel semble condamner les dérives que l'émotion peut susciter. Un diagnostic rationnel condamne un scénario suicidaire.

Quels sont les effets de la révolution égyptienne sur le paysage régional ? En Tunisie, la sœur jumelle qui a déclenché le processus révolutionnaire, la troïka craint un remake du processus égyptien, vu la similitude des régimes. Adoptant une politique préventive, elle dénonce la révolution populaire égyptienne, comme un simple coup d'Etat militaire.  Une démarcation politique marque bien entendu la société politique tunisienne. Les velléités de retarder le processus électoral et la volonté de remettre en cause la société civile ont suscité des inquiétudes. Suite à l'assassinat du député Mohamed Brahmi, l'opposition démocratique s'est retirée de l'Assemblée Constituante. La création d'un climat de transparence et des conditions adéquats à des élections constitue le principal contentieux. Ce qui explique la demande de la dissolution de l'Assemblée et de la démission du gouvernement. Ces revendications sont confortées par des sit in populaires. La réussite spectaculaire du sit in du 13 août, en faveur du Code du Statut Personnel redéfinit l'enjeu civilisationnel. La sauvegarde du projet de société moderne, est une ligne rouge. Faut-il, dans ces conditions, continuer se battre pour assurer "l'avenir d'une illusion" ? Dans cet ordre d'idées, le projet "d'immunisation de la révolution", par l'exclusion des concurrents, ne peut conforter la quête du consensus. Exprimant son inquiétude, l'analyste américain Joshua Muravchik s'interroge “la démocratie la plus prometteuse du ressort arabe mettra-telle des candidats sur la liste noire ?” ("Tunisia's dark turn", in Los Angeles Times, juillet 2013).  De ce point de vue, vu l'impasse politique, économique et social, le retour au consensus entre les différents protagonistes est nécessaire.

 Le vivre ensemble, l'habilitation citoyenne des femmes et des hommes et le rejet des utopies du califat, de l'inquisition et de l'inégalité du genre doivent faire valoir la concorde et condamner tous les acteurs au dialogue et aux concessions de la coexistence et de l'émancipation. Fait d'évidence, la remake du scénario égyptien, craint par la troïka, nous semble hors de question.  Des variantes intérimaires distinguent, en effet, les institutions et la classe politique des différents pays. Bien entendu, l'expérience égyptienne a  montré qu'on ne peut "museler" l'opinion publique, occulter les doléances des acteurs de la première révolution et rejeter les exigences de la jeunesse.  L'histoire ne se répète certes pas, mais à condition d'en tirer les leçons.

 

Chaterkhalifa@topnet.tn

(Site L'Economiste maghrébin,

15 août 2013)

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11 août 2013 7 11 /08 /août /2013 12:37

Géopolitique

Craintes et espoir dans l'aire arabe ?

Pr. Khalifa Chater

 

Comment définir le contexte géopolitique dans l'aire arabe, dans la conjoncture de l'Aïd ? Partout on a célébré les prières de l'espoir, de la concorde et du retour de l'union. Est-ce que la volonté de l'entente peut panser les blessures et transgresser la désunion des protagonistes ? Est-il possible d'envisager le passage de l'affrontement aux débats ? Les protagonistes sont-ils en mesure de faire le pari de la paix ?

En Syrie, l'escalade ne peut inciter les seigneurs de la guerre à la réconciliation. Trop d'acteurs externes se sont infiltrés sur scène. On a désormais affaire à une guerre régionale, confortée par un engagement international. On tue tous azimuts, au non de la pseudo-velléités de démocratisation, condamnées par le projet de société d'en-Nousra. L'entrée sur scène de Hizb Allah fait valoir l'institution d'une guerre de religion, entre sunnites et chiites.  Va-t-on continuer la guerre jusqu'à la mort du dernier syrien ? Guerre d'usure, guerre d'extermination, implosion interne et repli international d'un grand acteur du Moyen-Orient.

En Egypte, la révolution du 30 juin 2013, - quelque soit sa définition : coup d'Etat militaire ou rectification du processus historique !  - a institué une guerre de rues,  des sit-in parallèles. Le départ de Morsi, vraisemblablement sans retour, risque de mettre à l'ordre du jour la guerre civile. Mais ce scénario semble exclu, car il condamne tout acteur qui l'engage. Le désengagement des USA de la scène arabe est annoncé. Leurs dernières initiatives, ainsi que celles de l'Union Européenne, pour rapprocher les points de vue sont des jeux de scènes, sans conséquences. Acte de sagesse, le gouvernement adopte une pause pour éviter un affrontement entre les forces de l'ordre et le sit-in du clan Morsi. La sagesse finira-elle  par triompher ?  Le gouvernement égyptien semble opter pour une politique d'attente.  De leurs cotés, les partisans  de Morsi sont appelés à prendre acte de la nouvelle donne, à savoir le changement de l'équipe gouvernementale qatarie et le rééquilibrage de la politique américaine. Pouvaient-ils ne pas tenir compte du rejet du projet de société qu'ils ont mis en œuvre ?

En Libye, l'instabilité et l'insécurité règnent. Les seigneurs de la guerre sont désormais armés. Ils fragilisent et  mettent en échec le pouvoir officiel.  D'autre part, le contexte ne s'y prête pas, à l'adoption comme priorité, la reconstruction d'institutions disparues dans le cadre de la Jamahiriya, le pseudo pouvoir des masses, c'est-à-dire du clan Kadhafi.

En Tunisie,  le retrait d'une cinquantaine de députés de l'Assemblée Constituante met à l'ordre du jour un débat salutaire entre la Troïka et l'opposition. La déclaration, le 6 août du Président de l'Assemblée tenta de cerner le contentieux. Faut-il surestimer la peur des élections, de part et d'autre ? Nous pensons plutôt que le conflit concerne le choix du projet de société. Les sit in attestent un retour sur scène de la jeunesse, une redéfinition des enjeux et l'identification de voies de coexistence. Ils constituent des référendums de fait.  Elles contribueront à faire valoir les conditions de compromis, pour  dépasser la bipolarité idéologique et réactualiser les valeurs de la tunisianité, les enseignements de la Zitouna et de Sadiki et les acquis sociaux  consacrant "le vivre ensemble". Face au défi terroriste, le retour du dialogue constitue, semble-il, l'ultime gageur. 

chaterkhalifa@topnet.tn

(site L'Economiste Maghrébin, 9 août 2013)

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11 juillet 2013 4 11 /07 /juillet /2013 18:02

“Clara, je t'ai dit ce que j'ai dit et j'ai oublié ce que j'avais l'intention de te dire… Quant à toi, je  ne peux pas t'inviter aux plages de mon pays, cette année. Ne me demande pas d'explication. Je ne peux divulguer les secrets de mon pays, qui hélas, ne constituent plus un secret…Au revoir Clara. Je retourne (à mon pays) pour nettoyer la mer de l'ignorance sacrée” (Oulad Ahmed, de la direction poétique de la révolution tunisienne, 22 juin 2012, in Le Maghreb du 15 juillet 2012, traduction personnelle du texte original arabe).

J'ai cité ce texte qui atteste le développement de l'opposition des paradigmes, dans cette conjoncture de clivage identitaire. Est-ce que la Méditerranée risque de s'ériger en "muraille" effective entre l'Europe et le Maghreb ? Nous ne le pensons pas. Le processus de Barcelone a redéfini les enjeux de la coopération de part et d'autre de la Méditerranée.  La politique de voisinage a établi une coopération bilatérale. L'Union pour la Méditerranée qui fait valoir une coopération ponctuelle, inaugure son action. De fait, le passage de la coexistence, au partenariat euro-méditerranéen par l'idéaltype de Barcelone n'a pas réussi à s'inscrire sur le terrain. Il est désormais à l'épreuve de la nouvelle donne géopolitique. Or, le "printemps arabe" et sa mutation islamique ont suscité des changements du paysage politique. En Tunisie, les mutations géostratégiques, le changement de paradigmes depuis le "printemps arabe" et, en conséquence, la prise de pouvoir de nouvelles élites, dirigeant l'appareil d'Etat, suscitent un nécessairement changement d'attitude vis-vis de l'Europe. Ils font valoir deux termes irréductibles de la nouvelle équation stratégique : le refus idéologique et la prise en compte de la nécessité économique.

L'enjeu idéologique : Nouveau paysage politique et culturel, les nouveaux acteurs et les nouveaux leaders d'opinion (prédicateurs, imams et salafites) se distinguent par leurs positions de principe, érigés en postulats, qui déterminent leurs comportements sur le terrain.  Cas limite, certains groupuscules salafites, et bien entendu  les jihadistes; prêchent la guerre sainte. Fussent-ils marginaux dans le paysage politique maghrébin, ils sont des acteurs actifs, dont on ne doit pas sous-estimer la capacité contestataire. Prenons la juste mesure de l'énonciation, comme postulat, de la trinité "califat, ommah, kufar (l'impiété)".  Le discours du parti majoritaire exprime des postions modérées, par rapport aux attitudes absolues, dans les marges. On évoque volontiers "une démocratie musulmane" où la souveraineté de Dieu et celle du peuple ne s'excluent pas. Mais il y aurait, vraisemblablement des agendas out ground, que les rapports de forces actuels ne permettent pas d'expliciter.

Est-ce que l'argumentaire idéologique des nouveaux acteurs et l'identification des enjeux prioritaires  qu'ils font valoir sont favorables à l'établissement d'un partenariat solidaire avec l'Union Européenne ? Ils marqueraient des préférences évidentes pour une déconnexion, un éloignement, sinon une rupture. Dans cette conjoncture de bipolarisation idéologique, l'opposition démocratique défend l'ouverture, le développement des relations avec l'Europe et parfois l'engagement dans un partenariat. Mais les nouveaux acteurs expriment volontiers des méfiances.

L'enjeu économique : L'Establishments tunisien  a le regard dirigé vers le Levant,  les pays du Golfe et principalement vers Qatar et désormais vers la Turquie. En application de leur option idéologique, les nouveaux pouvoirs préconisent, dans les meilleurs des cas une coexistence, au mieux des relations apaisées, permettant un développement des échanges, avec l'Europe. Et pourtant, l'enjeu économique invite les Establishments maghrébins, à effectuer un retour à la politique d'association avec l'Europe, par  nécessité économique.

Par sa proximité avec l’Europe, par l'importance de ses échanges avec l'U.E. fussent-ils asymétriques, la Tunisie doit poursuivre et développer ces relations vitales. Le paradigme dominant et la grille de valeurs qu'il sous-tend  sont à l'épreuve du choc des nécessités. Au-delà des affinités idéologiques, les impératifs économiques et politiques exigent la prise en compte du partenariat avec l'Europe. L'attitude de raison explique l'adoption d'une politique de continuité, confortée par une annonce de développement des relations économiques, en relation avec la recherche d'investissements et la nécessité de sauvegarder les échanges et essentiellement les exportations, avec les clients traditionnels. Un "décrochage" est donc impossible et inenvisageable. Les centres d'intérêts transgressent les états d'âme, alors que la Tunisie  a besoin d'appui, lors de cette ère post-révolution, pour reconstruire son économie et faire face aux défis sociaux et politiques. Mais est-ce par hasard que l'adoption d'un partenariat privilégié, longtemps attendu, n'a pas suscité des réactions d'enthousiasme.

Les attentes tunisiennes sont importantes. Elles mettent en avant la nécessité d'étendre les libres échanges aux produits agricoles et industriels, aux services et aux personnes. L'afflux des émigrants clandestins vers l'Europe est significatif. D'autre part, l'opinion publique évoque la question des visas. Les Establishments tunisiens rappellent volontiers leurs demandes d'une politique de co-développement, de part et d'autre de la Méditerranée. Quel serait le contenu du "partenariat privilégié" ? Les annonces évoquaient un développement global des relations, à l'exception de  l'adhésion", que la Tunisie n'a pas d'ailleurs demandé. Peut-il répondre aux défis de l'aire, sinon mettre au programme un "plan Marshal", que les difficultés européennes ne permettent pas actuellement d'envisager.

Conclusion : Il faudrait agir au-delà de la pesanteur de la conjoncture et ne pas perdre de vue les perspectives d'avenir, avec leurs processus d'évolution, d'alternance des pouvoirs et des redéfinitions des enjeux, en conséquences.  Dans de nouveaux contextes, une prise en compte des intérêts pourrait faire pencher la balance, établir une nouvelle équation stratégique, en faveur d'une ouverture européenne de part et d'autre de la Méditerranée et pour quoi pas l'édification d'un partenariat de solidarité. "Wait and see", estiment  les partenaires du Nord et du Sud, dans ce contexte peu favorable aux compromis historiques.

Pr.  Khalifa Chater

  

 

 

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17 juin 2013 1 17 /06 /juin /2013 11:16

La déclaration récente du mufti de Tunisie fait valoir, rappelle et réactualise l'idéaltype de l'école tunisienne. Il fut, en effet, occulté dans la conjoncture actuelle et, dans une certaine mesure, débordé par ses extrêmes. En réalité, l'école tunisienne fut transgressée par les discours de prédicateurs visiteurs, qui la contestent et la défient. Ce processus géopolitique, résultant d'un jeu d'acteurs, met à l'ordre du jour une rupture qui la met à l'épreuve. Mais l'actualité tunisienne esquisse, annonce et inscrit désormais dans les faits, un retour aux normes. Cela relève  du patrimoine  intellectuel du pays, de ses us, coutumes et genres de vie, et bien entendu, de ses biens  immatériels. 

Ecole sunnite, rejet des attitudes radicales, absence de toutes traditions inquisitoires, l'école tunisienne se distingue, à l'instar des écoles du Maghreb et d'Egypte, par la praxis de la modération et de la tolérance. Dans le cadre du "vivre ensembles",  qu'elle admet sinon prône, elle accepte la diversité, intègre le mouvement maraboutique et rejette toutes formes d''exclusions. Citons, à ce sujet, la lettre - critique adressées par Ismaïl Témimi,  en réponse  au message wahhabite, en 1814. Versets à l'appui, le alim tunisien  prêche la tolérance, condamne l'esprit inquisitoire, proscrit les dérives susceptibles de susciter la guerre civile et la division des musulmans et justifie les pratiques maraboutiques (lettre in Ben Dhiaf, t. 3, pp. 69-75).

Fait distinctif, la pensée religieuse tunisienne d'avant-garde privilégie la lecture rationnelle des références, la prise en compte des nécessités de l'époque.  La dibaja de Mahmoud Qabadou, publiée en 1844, constitua, à notre connaissance, le texte fondateur de l'idéaltype de réformes, des Lumières et du progrès. Se  référant à l'âge d'or de l'histoire musulmane, pour y puiser des exemples d'emprunt à l'étranger, Qabadou affirme courageusement que “le musulman recherche la sagesse là où il la trouve...”. Qabadou a eu le grand mérite de faire valoir la dimension de l'Ijtihad qui légitime   la pensée tunisienne novatrice. Nous considérons la dibaja, comme une fetwa globale, au service d'une renaissance revendiquée. Ses disciples Ben Dhiaf et  Khéreddine  théoriseront cette pensée alternative, transgressant la tradition. Acquis à cet idealtype des Lumières, Khéredine devint, du fait de son statut au sein de l'Establishment beylical, de son rayonnement et des enseignements de ses séjours à l'étranger, le chef de file de ce courant, auteur du manifeste Aqwam al-Massalik (1867). Pour  réaliser l'idealtype des Lumières, Khéreddine affirme que la réforme du système politique, selon l'exemple européen, est une question essentielle: “Pouvait-on, dit-il,  acquérir les prédispositions requises (à notre promotion), sans réaliser l'avancée dans les connaissances et les conditions du oumran (développement humain) observées chez autrui ? Un tel progrès ne peut être obtenu sans réformes politiques, similaires à celles adoptées ailleurs et qui se fondent sur la justice et la liberté, qui sont les piliers de notre religion. Elles assurent la force et la droiture dans tous les Etats”.

L'abolition de l'esclavage en Tunisie en 1846 et l'abolition de la polygamie, en 1956, constituent des acteurs fondateurs, qui érigent la Tunisie en modèle. Pour expliquer son ultime décision, concernant l'abolition de l'esclavage - "l'interdiction d'une pratique autorisée" - Ahmed Bey crut devoir informer le Consel du Charaa, par une lettre  - fetwa, écrite par Ahmed Ben Dhiaf, qui constitue un modèle du genre. Son argumentation juridico-religieuse fait valoir que l'esclavage est l'objet de controverses entre les oulémas et que le charaa a vivement recommandé la libération des esclaves, le considérant comme ultime acte de charité. Même procédé utilisé lors de l'abolition de la polygamie, par une relecture du référentiel par Tahar Haddad, mise en application par le Président Habib Bourguiba, avec l'accord des grands oulémas Tahar et Fadhel Ben Achour. Cette liberté de conscience, ce respect de l'autre, s'inscrivent dans le cadre de l'attachement au référentiel musulman. Ils sont explicités , dans le pacte fondamental de 1857, le Qanoun de 1861 et la constitution de 1859. Ces attributs sont conformes aux normes de  l'Islam.

N'est pas mufti qui veut. Une vraie connaissance de l'histoire de la genèse de l'Islam, de la vie du prophète, de l'histoire des premiers califes, une étude approfondie du Coran et de la sounna et des différentes écoles religieuses sont nécessaires.  La multiplication des fetwas inquisitoires et des approches radicales des prédicateurs venus, on ne sait d'où et non crédités par des garanties scientifiques, annoncent des ruptures et même "une course à l'abime". La déclaration du mufti de la République, Othman Battikh à l’agence TAP, vendredi 19 avril 2013, corrige le tir et rétablit la donne. Il prend ses distances par rapport aux mouvements qui dupent, conditionnent et envoient les jeunes tunisiens aux combats en Syrie. "Combattre en Syrie n’est pas du Jihad, affirma  - t-il, C’est une forme d’exploitation des jeunes qui ont des conditions de vie précaires … Les Syriens sont des musulmans et tout musulman ne combat pas son frère musulman ".  D'autre part, il condamne sans appel le "Jihad du Nikah", encouragé par certaines fetwas. Il le définitt comme "un manque de moralité, une mauvaise éducation et une forme de prostitution". Fait important, il prend position contre  le mariage « ôrfi » ou coutumier, qui réactualise de fait la polygamie. Il est, affirma-t-il,  illégal et nul. "Le mariage en Tunisie n’est légal qu’en vertu d’un contrat civil et ce, conformément aux dispositions du Code du statut personnel". Défendant de fait l'Université Az-Zeitouna et la modernisation de l'enseignement qu'elle a mise en œuvre, le mufti ne rejoint point les partisans de la restauration de l'enseignement au sein de la Zeitouna, rappelant que ses locaux ne peuvent assurer l'enseignement des disciplines scientifiques. Il fait valoir cet itinéraire de progrès, inspiré d'Ibn Khaldoun, formulé et mis en pratique par les oulémas de la Zeitouna et du mouvement de modernisation, né en son sein et son avant-garde contestatrice. Prenons la juste mesure de ce rappel de l'idealtype de l'école tunisienne, largement assumé, qui ne peut admettre les lectures importées, qui ont pour objectifs la remise en cause des acquis, par un processus d'uniformisation, selon des modèles   des prédicateurs visiteurs. Il met en échec la "stratégie de contournement", engagée par des acteurs contre-révolutionnaires, contre l'école de pensée de la Tunisie, à l'instar de celles du Maghreb et d'Egypte, dans la conjoncture post-révolution. 

chaterkhalifa@topnet.tn

(l'Economiste maghrébin, n°604

 du 1er au 4 mai 2013.)

 

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